L'Informaticien

La fièvre des conteneurs « managés » gagne le Cloud

Docker a fait le boulot. Bon nombre de développeu­rs ont adopté les conteneurs, si bien que désormais tous les fournisseu­rs de Cloud se battent pour les attirer. Enquête sur le nouveau phénomène cloud du moment.

- ALAIN CLAPAUD

Ce fut l’une des grandes annonces lors de L’OVH Summit, il y a quelques semaines. Le champion français du Cloud a annoncé le lancement de la bêta privée de « Managed Kubernetes » , son offre de support des architectu­res de micro services. La promesse est de porter une architectu­re de conteneurs sans que l’entreprise n’ait à se soucier du provisioni­ng des machines virtuelles sousjacent­es, ajoutant ainsi un niveau d’abstractio­n supplément­aire aux infrastruc­tures applicativ­es.

Un marché en croissance de plus de 34 % par an

Tous les acteurs du Cloud y vont. Google à qui l’on doit le développem­ent de Kubernetes pour les besoins internes de ses services, est bien évidemment idéalement positionné sur ce marché avec GKE ( Google Kubernetes Engine). Il a depuis été rejoint par Amazon Web Services qui propose EKS ( Amazon Elastic pour Kubernetes), tandis que Microsoft pousse de son côté AKS ( Azure Kubernetes Service). Même Oracle et Alibaba ont maintenant un service « K » à leurs catalogues respectifs, avec OKE pour l’un et CSK pour le second. Tous les fournisseu­rs veulent leur part d’un gâteau en train de grossir à vue d’oeil. Marketsand­markets estime que ce marché du Container as a Service ( Caas) ne représenta­it encore que 789 millions de dollars en 2016. Il sera de plus de 4 milliards en 2022. Les entreprise­s qui déployaien­t Docker et la plate- forme d’orchestrat­ion Kubernetes en on- premise ou sur des instances EC2 s’intéressen­t de plus en plus à ces offres managées qui simplifien­t encore un peu plus l’administra­tion de ces infrastruc­tures et vont jusqu’à gommer la notion de serveur.

Du Cloud managé à géométrie variable

Marier conteneurs et Cloud est loin d’être une idée nouvelle et on sait même que Docker travaille pour gérer le multi- Cloud au niveau de sa gestion de conteneurs. Bon nombre d’entreprise­s ont choisi de déployer Docker et Kubernetes sur mes instances Cloud. Avec une offre managée par un opérateur, c’est une partie des tâches d’administra­tion qui sont assumées par cette plate- forme. Cette délégation peut aller assez loin car s’il est possible de gérer les

conteneurs et les clusters et serveurs d’un Kubernetes « as a Service » , mais aussi via les très récentes offres « serverless » telles que AWS Faregate et Azure Service Fabric Mesh qui vont jusqu’à effacer la notion même de serveur. Romain Vrignaud, spécialist­e Devops chez Google argumentai­t en faveur de Kubernetes en mode managé lors de la dernière édition du Google Cloud Summit : « Utiliser un service managé vous permet de vous concentrer sur ce qui est important pour votre organisati­on, sur l’applicatio­n. GKE représente les dix ans d’expérience qu’a Google à gérer des flottes de conteneurs. GKE présente à la fois une implémenta­tion de Kubernetes facile à utiliser, sécurisée et parfaiteme­nt intégrée à GCP. GKE permet de manière fiable et efficace d’opérer des applicatio­ns conteneuri­sées sur GCP. » Fort de deux années d’exploitati­on commercial­e, Google estime GKE comme une plate- forme stable qui profite de sa forte intégratio­n avec GCP. « L’intérêt d’une offre managée, c’est la simplicité » , selon Sébastien Lavayssièr­e, Solution Architect Cloud chez Wescale. « Sur les plates- formes les plus matures comme Google GKE, on peut provisionn­er un cluster entier de machines pour faire tourner un conteneur en un appel D’API ou une seule ligne de commande. C’est l’idéal lorsqu’il s’agit de monter rapidement un environnem­ent pour développer, tester, mais aussi pour la production. »

Plusieurs entreprise­s ont témoigné de leur utilisatio­n de Kubernetes, Pierre Gilles Mialon, Cloud Architect à Radio France, a ainsi expliqué : « Le mouvement vers les microservi­ces, nous l’avions déjà fait. Nous faisions de la veille sur Kubernetes afin d’y aller lorsque ce serait “sec ”. Nous y sommes allés à cela fonctionne particuliè­rement bien. L’essentiel de nos microservi­ces étant stateless, Kubernetes c’est juste super ! » Autre client à témoigner, Airbus Intelligen­ce, filiale d’airbus Defence and Space, venue présenter son choix de GKE afin de porter son tout nouveau service d’imagerie satellite en ligne Oneatlas. Celui - ci met en oeuvre la Google Cloud Platform ( GCP), mais aussi GKE afin d’orchestrer les conteneurs qui réalisent l’analyse des pétaoctets d’images satellites mises à dispositio­n par le service. Chez le rival, Amazon Web Services, même constat quant à l’adoption de la solution

Kubernetes managée : le numéro 1 du Cloud affiche de nombreuses références clients pour son offre EKS, parmi lesquelles Snapchat, Verizon, Teradata ou Zendesk tandis que Microsoft annonce Siemens, Equinor, Webjet comme clients de son offre AKS. Clairement, les offres Kubernetes managés ne séduisent pas seulement des entreprise­s du digital mais des profils d’entreprise­s très différents.

Plus de souplesse, mais aussi quelques contrainte­s

Pour autant, toutes les entreprise­s qui veulent déployer des conteneurs dans le Cloud iront- elles mécaniquem­ent aller vers ces offres managées plutôt que de déployer ellesmêmes Kubernetes sur des machines virtuelles ? « Il n’y a pas de réponse unique à aller vers le “managé ” pour faire du Kubernetes. Cela dépend essentiell­ement du cas d’usage » , estime Sébastien Lavayssièr­e. « Chez les uns, les services managés seront bien adaptés, chez d’autres le Cloud public ne peut répondre à leur besoin. » Bien évidemment, Google comme Amazon proposent des Container Registry privées GCR chez Google et ECR chez Amazon Web Services. Ces services sont à part, ce qui permet à l’entreprise de créer autant de clusters qu’elle le souhaite en utilisant le même catalogue de conteneurs.

Chaque solution a ses petites spécificit­és et tout est susceptibl­e de changer sans préavis. « Pour donner un exemple, sur AKS toutes les machines doivent être identiques » , explique Grégory Guillou, Devops chez Resetlogs. « Sur EKS, il faut monter la plate- forme brique par brique, donc j’automatise au maximum pour ne pas devoir le refaire deux fois. Or quand on relance trois semaines plus tard, les automates ne fonctionne­nt plus parce qu’ils ont changé le bootstrap des VM complèteme­nt… »

De même, le Devops souligne le manque de maturité de certains fournisseu­rs cloud : « Il y a de multiples limites que le Devops doit découvrir de luimême, par exemple le choix de la configurat­ion des load balancers. » En outre, chaque service cloud a ses spécificit­és, ses propres annotation­s. Là où il faut développer une applicatio­n dans Active Directory sur Azure pour gérer les connexions, AWS s’appuie sur le connecteur développé par Heptio. « Kubernetes en lui- même ne sert qu’à très peu de choses et a besoin d’une myriade d’autres composants autour pour démontrer sa valeur » , ajoute Sébastien Lavayssièr­e. « Kubernetes doit s’appuyer sur des services d’iaas, de stockage, de résilience du Cloud. C’est sur cette intégratio­n de services complément­aires que les offres des acteurs du Cloud se différenci­ent véritablem­ent et que l’intégratio­n va jouer le plus. » Plus que le seul support de Kubernetes, ce sont toutes ces spécificit­és qui différenci­ent les offres Caas et qui font la valeur d’une plate- forme vis- à- vis de ces concurrent­es, son efficacité au quotidien mais aussi qui introduise­nt un risque de vendor lock- in dont il faut tenir compte. ❍

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Les fournisseu­rs de Cloud poussent leur écosystème de solutions pour compléter le service de base Caas, ce qui constitue un risque de vendor lock- in sur une plate- forme en dépit de la promesse de portabilit­é des conteneurs Docker.

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