Avec Spaces, Dropbox entre dans l’ère du collaboratif
Longtemps, Box et Dropbox ont été des frères ennemis sur le terrain du partage et de la synchronisation des fichiers. Mais depuis 2018, Box a opéré un virage stratégique, se présentant comme une plate- forme collaborative, fonctionnalités comprises. En annonçant Spaces à la fin septembre, Dropbox se raccroche aux wagons.
Malgré la concurrence des Drives, qu’il s’agisse de Google Drive ou de Onedrive ( Microsoft), Dropbox a su tenir bon et tirer son épingle du jeu dans le monde bouillonnant des services de stockage cloud. Et ce pour une bonne raison : Dropbox sert à synchroniser des fichiers. Il ne fait que ça et le fait bien. Mais avec l’avènement des Slack, Teams et autres Workplace, tout le monde se doit d’être « collaboratif » , entendre par là permettre aux équipes de travailler sur un document dans une même interface, sans avoir à passer sur une autre application ou, pire, télécharger le fichier en local ! Box, éternel concurrent de Dropbox, a pris le taureau par les cornes et, depuis 2018, se présente comme un spécialiste de la gestion des contenus cloud. Le stockage et la sauvegarde en ligne, c’est bien beau, mais ça ne nourrit plus son homme : place à l’automatisation et à la gestion des workflows, au Machine Learning, à la sécurité ou encore aux intégrations. Ce qu’il faut en retenir c’est que l’utilisateur peut travailler sur un document avec ses collègues sans jamais avoir à quitter Box – ou presque. Du côté de Dropbox, malgré quelques timides incursions par le biais de ses applications mobiles ainsi qu’avec Paper, service collaboratif d’édition de documents et boîte à outils née du rachat de Hackpad, point d’offensive majeure sur le marché des plates- formes collaboratives… jusqu’à ce 25 septembre et l’événement Work in Progress organisé par l’entreprise à San Francisco. Dropbox y a annoncé Spaces, qu’il décrit comme un « espace de travail intelligent » doté de fonctionnalités de collaboration, mais aussi d’administration, le tout mâtiné d’un soupçon d’intelligence artificielle. « Dropbox Spaces réunit vos contenus et vos outils les plus importants au même endroit pour vous aider à rester organisé, concentré et en phase avec votre équipe » , expliquait sur scène Drew Houston, le CEO de Dropbox. Et la liste des nouvelles fonctionnalités est longue. Il faut tout d’abord noter que, fidèle à sa réputation de spécialiste de la synchronisation, Dropbox centralise à travers Spaces les fichiers qu’ils soient locaux ou stockés en ligne. Ajoutons à cela que Paper, qui
était jusqu’à présent un standalone, est intégré aux fichiers Dropbox, permettant de créer, stocker et consulter des documents Paper directement depuis l’interface du service de stockage en ligne.
Centraliser les fichiers
L’entreprise de Drew Houston a énormément travaillé sur son moteur de recherche de fichiers, qui d’une part ira chercher dans le texte des entêtes, et de l’autre, à grands renforts de
Machine Learning, reconnaîtra les images de manière à ce que les utilisateurs puissent rechercher un . jpg, . png ou . gif en fonction de leur contenu plutôt que du nom du fichier. Cette dernière fonctionnalité concernera dans un premier temps les seuls titulaires d’un compte professionnel, avant d’être étendue aux comptes Business. En outre, Dropbox permet enfin l’aperçu des fichiers directement dans l’application de bureau. Si nous ignorons encore la liste complète des formats supportés par cette fonctionnalité, l’entreprise cite l’exemple de fichiers AUTOCAD, prévisualisés en haute définition depuis l’application sans avoir à installer l’application éponyme. Puisque Spaces organise l’espace de travail, en mettant en avant les documents les plus importants, le Machine Learning est à nouveau mis à profit. Si logiquement les fichiers utilisés régulièrement ou marqués comme importants sont signalés à l’utilisateur, la nouvelle interface exploite un moteur de suggestion personnalisée, comprenant notamment une intégration avec l’agenda de façon à ce que, à l’approche d’une réunion, Dropbox puisse proposer automatiquement les documents et modèles de prise de notes pertinents à l’utilisateur. Dans la fibre collaborative, les suggestions vont également afficher les “moments forts ” de l’équipe, à savoir les activités les plus pertinentes d’autres utilisateurs sur un fichier partagé, en plus de l’activité récente affichée à côté des contenus. Enfin, sur le front des intégrations, une extension Hellosign permettra de profiter directement des services de signatures électroniques de l’éditeur dans Dropbox « en quelques clics » . Mais il ne s’agit là que des fonctionnalités d’ores et déjà disponibles. Lors de Work in Progress, Dropbox a livré un aperçu du futur de Spaces. À court terme, d’autres intégrations seront opérationnelles. Avec Trello, les utilisateurs pourront ajouter du contenu Dropbox à une carte Trello et prévisualiser, modifier et consulter l’activité de leurs fichiers Dropbox, directement depuis Trello. Chez Slack, il sera possible de connecter des channels de la plate- forme collaborative à des dossiers Dropbox de sorte que les fichiers partagés sur Slack soient automatiquement synchronisés dans le dossier Dropbox correspondant. Du côté de Zoom enfin, un bouton
permettra de lancer des réunions depuis Dropbox, tandis que les enregistrements et transcriptions des échanges vidéo et audio pourront être directement sauvegardés dans Dropbox. Ces intégrations devraient voir le jour dans les prochains mois. Autre fonctionnalité fort utile, mais déjà connue, Dropbox Transfer. À l’instar d’un Wetransfer ou d’un Smash, cet outil permet d’envoyer des fichiers volumineux, jusqu’à 100 Go, pour lesquels il n’est pas demandé au récipiendaire de collaborer. Il ne s’agit ainsi pas d’un dossier partagé, le fichier ne s’affichant pas dans le dossier Dropbox du destinataire. En outre, le transfert expire automatiquement au bout de sept jours et l’expéditeur peut visualiser le nombre de fois où le fichier transféré a été consulté ou téléchargé. Transfer est actuellement proposé en version bêta aux utilisateurs individuels et sera à terme disponibles pour les équipes. Arriveront également dans les prochains mois les pages de profil, qui, comme leur nom l’indique, consisteront en des profils personnels. Par leur biais, un utilisateur pourra retrouver les contenus sur lesquels travaille un autre membre de son équipe et suivre l’avancement des projets, le profil affichant l’activité récente. Dropbox évoque également la possibilité de communiquer avec un collègue par son entremise, laissant entendre qu’il proposera dans ces pages de profils des fonctionnalités de messagerie instantanée.
Outils d’administration
En somme, Spaces apporte un large éventail d’outils et de fonctionnalités permettant aux équipes de collaborer sans avoir à quitter l’interface de Dropbox. Soit un gros plus pour ceux qui utilisent Dropbox dans leur environnement professionnel. Toutefois, ces nouveautés sont pour la plupart déjà proposées dans G Suite, Office 365 ou encore Box : Spaces a lui seul risque de ne pas pousser de nombreuses entreprises à passer sur Dropbox. D’autant que le service traîne historiquement une réputation d’application fréquemment blacklistée en entreprise, du fait de son succès auprès du grand public et par conséquent du risque de voir des documents professionnels sensibles finir sur des comptes personnels. Mais, sur ce front- ci, le spécialiste de la synchronisation de fichiers a fait d’importants progrès ces dernières années. Ainsi, en parallèle du lancement de Spaces, Dropbox a annoncé plusieurs nouveaux outils d’administration. À commencer par une interface entreprise destinée aux services IT afin qu’ils gèrent depuis une même console toutes les instances Dropbox de leur entreprise. Elle permet en outre de définir les paramètres d’accès et de sécurité de chaque instance et de consulter l’activité de toutes les équipes Dropbox, y compris le contenu cloud stocké dans chaque compte. Cette interface dédiée s’accompagne de raccourcis, baptisés actions rapides, simplifiant pour les administrateurs certaines actions telles que supprimer des liens ou restaurer des éléments. En outre, sont disponibles en bêta privée des outils de gouvernance des données, destinés à aider les entreprises « à réduire les risques et à respecter les normes de conformité » . « Les administrateurs pourront notamment conserver des versions de fichiers pendant dix ans et les exporter à des fins d’e- discovery » , explique Dropbox. D’ici à la fin de l’année, il compte également approfondir son partenariat avec Bettercloud. Cet éditeur américain fournit une plateforme de gestion des opérations notamment pour les applications Saas. Dans Dropbox, cette intégration impliquera que les équipes informatiques disposeront de fonctionnalités d’orchestration et de Data Loss Protection.
Un autre sujet à suivre de près est Dropbox Binder. Annoncé en parallèle à Spaces, cet outil n’a guère fait l’objet d’explications poussées de la part des cadres de Dropbox. On sait seulement qu’il s’agit « d’une nouvelle manière de documenter des projets, processus et connaissances en créant une source d’information unique pour les équipes » , soit la compilation de fichiers Dropbox, aussi bien PDF, documents texte ou tableur, des images, etc., quel que soit le format, dans un unique Binder. Une version bêta de cette fonctionnalité débarquera dans les prochains mois. Ce faisant, avec Spaces, Dropbox semble entrer pleinement dans la course à l’armement que se livrent les plates- formes collaboratives. Reste à savoir si, malgré son relatif retard, l’entreprise de Drew Houston saura tenir la distance et se présenter comme un outil qui garde toute sa place en entreprise. ✖