Les datacenters sur le grill
Véritable usine de production de l’économie numérique, le datacenter focalise les critiques des associations environnementales. Ces installations dont les plus grosses peuvent consommer jusqu’à une centaine de mégawatts sont- elles vraiment un gouffre énergétique ?
En 2015, le professeur Andrew Ellis, chercheur à l’université d’aston, prophétisait la fin d’internet, écrasé sous le poids des volumes de données et l’explosion de la consommation énergétique des équipements réseau. D’après ses calculs, Internet consommait déjà 16 % de la production électrique du Royaume- Uni et la consommation doublant chaque année, Internet allait rapidement faire s’effondrer le réseau électrique mondial, selon lui dès 2023 ! Si ce risque d’effondrement semble raisonnablement pouvoir être écarté, la question de la consommation énergétique d’internet reste pleinement posée. Qualifiés de monstres avides d’énergie par Libération, de monstres informatiques énergivores par le
Figaro, les grands datacenters ont focalisé l’attention des médias. Les qualifiant de gouffre pour la Planète, le Canard Enchaîné affirmait en novembre que les datacenters engloutissent 10 % de la production électrique mondiale, évoquant même des experts estimant cette part à 20 %… Qu’en est- il réellement ? Dans un rapport datant de février 2019, l’ademe
( Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) évoque 13 % de la production électrique consommée par les datacenters à l’horizon 2030 contre 51 % pour le numérique au sens large, incluant notamment les terminaux. Cette estimation alarmiste issue des calculs d’anders Andrae et Tomas Edler, chercheurs chez Huawei en Suède, a été nettement revue à la baisse depuis. The Shift Project, un think thank français en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone, évoque 25 % de la production électrique consommée par le numérique d’ici à 2025, dont plus que 5 % par les datacenters. Le calcul n’est pas simple, car les données sont très parcellaires.
Le Datacenter, partie émergée de l’écosystème du numérique
Si le datacenter est gros, bruyant et ultra- visible, il n’est que la partie émergée de la dépense énergétique de L’IT mondiale. En 2015, Négawatt, une association française que l’on peut difficilement soupçonner d’être à la solde des bâtisseurs de datacenters, a calculé que si le numérique représentait en France une consommation de 56,5 TWH, la part des datacenters et des serveurs d’entreprise était de l’ordre de 10 TWH. C’est bien moins que les terminaux domestiques et des terminaux professionnels qui représentent respectivement 22 TWH et 21 TWH. Édouard Toulouse, consultant expert sur l’efficacité énergétique et l’écoconception des produits et auteur de ce rapport souligne que « La facture énergétique du numérique se répartit sur trois postes. D’une part les datacenters, où sont stockées toutes les données ; les réseaux de télécommunication qu’ils soient fixes ou mobiles ; enfin les terminaux, depuis la TV connectée jusqu’au PC en passant par nos smartphones, nos tablettes. Pour l’instant, ce sont les terminaux qui consomment le plus, mais on constate depuis quelques années une baisse du nombre des ordinateurs, une stagnation du nombre de tablettes, les usages se portant de plus en plus sur les smartphones. C’est un effet de substitution bénéfique. Si on peut espérer une baisse du côté des terminaux, les volets cloud et réseau sont promis à une forte croissance à l’avenir et c’est ce qui inquiète le plus aujourd’hui. » « L’association Négawatt estime que pour limiter la facture énergétique du numérique, il y a trois choses à faire dans le bon ordre. Il faut d’une part privilégier la sobriété, puis l’efficacité et aller vers des sources d’énergies renouvelables. Il faut commencer par changer nos comportements, nos usages pour n’utiliser le numérique qu’à bon escient. Ensuite, il faut que les fournisseurs délivrent leurs services de la manière la plus efficace possible avec les équipements les plus performants d’un point de vue énergétique. Enfin, après cela il faut recourir au maximum aux énergies renouvelables. Le numérique est un parfait exemple car les opérateurs Cloud par exemple communiquent beaucoup sur leur recours aux énergies renouvelables tout en poussant sur des usages sans limite de leurs services avec des Giga- octets de stockage offerts ou encore Facebook qui lance les vidéos par défaut, c’est une aberration totale du point de vue énergétique ! »
« Il faut avant tout adopter une sobriété numérique »
promettait d’atteindre les 100 % d’énergie renouvelable en 2020.
Ces entreprises sont en effet sous le feu d’une campagne de Name and Shame de la part de Greenpeace depuis 2012, l’association Greenpeace “allumant ” ainsi les géants de L’IT sur l’origine de leur énergie, essentiellement produite à base de charbon aux ÉtatsUnis. Google faisait alors déjà figure de leader dans l’emploi des énergies renouvelables, mais consommait encore 28,7 % d’énergie provenant du charbon, tandis que Facebook et Microsoft frôlaient la barre des 40 %. Néanmoins comme le souligne un expert du milieu, acheter de l’électricité verte, c’est le plus facile et optimiser la consommation électrique des datacenters est beaucoup plus complexe. En la matière, s’il existe de nombreux indicateurs pour quantifier l’efficacité d’un datacenter, c’est le PUE ( Power Usage Effectiveness) qui fait office de juge de paix. Il s’agit