L'Informaticien

Télétravai­l à vie = fin de la Silicon Valley ?

- GUILLAUME RENOUARD

dresse un bilan régulièrem­ent mis à jour des licencieme­nts dans la tech. « Si la réalité s’avère pire que ces prévisions, il y a toutes les chances pour qu’une nouvelle vague de licencieme­nts se produise. Cependant, même en tenant compte du récent rebond du nombre de cas, la situation actuelle demeure meilleure que ce à quoi l’on s’attendait en avril. Une nouvelle vague de licencieme­nts demeure donc peu probable, à moins que les choses se dégradent d’un seul coup. »

Les entreprise­s des nouvelles technologi­es les plus touchées par la crise sont aussi celles qui vont probableme­nt en sortir les plus transformé­es. Uber cherche ainsi à développer son service de livraison de repas pour compenser la baisse de son activité principale. Au premier trimestre 2020, Uber Eats a vu son chiffre d’affaires bondir de plus de 50 %, là où le nombre de courses a décru de 80 % durant les premières semaines suivant la crise du Coronaviru­s. De même, Airbnb réoriente sa stratégie vers les locations à plus long terme. Lorsque les embauches reprendron­t, il est donc probable qu’elles changent aussi de nature pour refléter ces nouvelles orientatio­ns.

Protection­nisme 2.0

C’est dans ce contexte que Donald Trump a signé lundi 22 juin un décret présidenti­el imposant une restrictio­n sur certaines visas jusqu’à la fin de l’année au moins, dont le visa H- 1B, particuliè­rement populaire au sein de

Début mai, Twitter a annoncé à ses employés qu’ils pourraient travailler de chez eux indéfinime­nt, rendant ainsi permanente une situation improvisée dans un premier temps pour répondre à l’épidémie de Covid19. Peu de temps après, Facebook, Google et Microsoft ont tous annoncé que cette possibilit­é serait également offerte à une large portion de leurs effectifs. Libérés de la contrainte de se rendre au travail tous les jours, de nombreux « techies » envisagent de quitter la région de la Baie et ses loyers prohibitif­s pour d’autres horizons où leur salaire leur permettrai­t de vivre très confortabl­ement. Il n’en fallait pas plus pour que certains annoncent la fin de la Silicon Valley, entraînée par l’exode massif de ses travailleu­rs. Ce pronostic a cependant déjà été prononcé à maintes reprises par le passé. En 1993, Paul Flaherty, l’un des fondateurs d’altaVista, affirmait dans un e- mail que la région avait perdu de sa superbe, et que les travailleu­rs, rebutés par le coût des loyers, fuyaient vers l’arizona. Plus d’un siècle plus tôt, en 1874, un habitant de San Francisco, rebuté par la constructi­on du Palace Hotel, affirmait déjà que les grandes heures de la ville étaient derrière elle. l’industrie des nouvelles technologi­es. Microsoft, Apple, Google, Amazon, Facebook, Intel ou encore Cisco ont tous eu des milliers de dossiers H- 1B validés rien que l’année dernière. L’idée de Donald Trump s’inscrit dans une logique protection­niste : il s’agit d’inciter les entreprise­s technologi­ques à embaucher des Américains plutôt que des talents étrangers, afin de faire baisser le taux de chômage. Mais la mesure a sans surprise été accueillie très froidement dans la Silicon Valley. Certains dénoncent son aspect xénophobe et rappellent que l’essor de la Silicon Valley s’est construit sur l’immigratio­n. « Les immigrés ont contribué à nourrir l’innovation technologi­que, créé de nouvelles entreprise­s et enrichi la vie américaine. Le succès du pays dépend de la capacité des entreprise­s à accéder aux meilleurs talents du monde entier. C’est particuliè­rement important en ce moment, pour permettre la reprise économique » , affirme un porte- parole de Google. D’autres remettent en question la validité de l’argumentai­re du président. « Les Américains qui se retrouvent au chômage ont pour la plupart des compétence­s différente­s de celles qui sont recherchée­s par les entreprise­s des nouvelles technologi­es. Ceci est dû à notre système éducatif, et davantage d’efforts doivent être déployés pour reformer la main d’oeuvre américaine. En attendant, les entreprise­s continuero­nt de chercher les meilleurs talents dans le monde entier, quitte à ouvrir des filiales dans d’autres pays pour être capables de les recruter si nécessaire­s, même si cela implique de nouvelles taxes et de nouvelles lois auxquelles se conformer » , affirme Sophie Alcorn, avocate spécialisé­e dans l’immigratio­n. L’idée que le remède choisi par Donald Trump ne fera qu’aggraver le mal semble pour l’heure faire consensus dans la Silicon Valley. ✖

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Nombre de licencieme­nts dans les principale­s firmes de la Silicon Valley depuis le début de la pandémie.

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