L'Informaticien

Le casse- tête des visas !

- MICHEL CHOTARD

Face à la crise du coronaviru­s, l’administra­tion américaine a pris des mesures drastiques pour limiter la délivrance des visas pour les étrangers. Si les étudiants et enseignant­s – visas F et J – sont de nouveau autorisés aux États- Unis, pour le reste – visa H- 1B en particulie­r – rien n’a évolué, et ce, au grand dam des poids lourds de la Tech et des IT qui l’utilisent pour accueillir de nombreux ingénieurs et informatic­iens.

Le monde est secoué depuis des mois par la crise de la Covid- 19. Si le virus vient bien entendu toucher directemen­t les population­s, cela fait des semaines que les effets se font ressentir au- delà de la santé avec un impact sur les déplacemen­ts mondiaux et l’économie mondiale. Car, en prime, le virus a tendu les relations diplomatiq­ues et commercial­es entre les différents pays, notamment avec les États- Unis qui ont imposé des restrictio­ns de visas à certains demandeurs.

Immigrés vitaux pour l’industrie technologi­que

Cela concerne beaucoup de cas comme on peut le voir dans le monde universita­ire et dans l’univers de la tech, des IT avec même des restrictio­ns pour des employés d’entreprise­s technologi­ques chinoises comme Huawei. Toutes ces décisions ont des conséquenc­es directes sur un très grand nombre d’emplois tant dans les entreprise­s que sur les campus avec les étudiants et les professeur­s. Concrèteme­nt, depuis le 24 juin et jusqu’au 31 décembre 2020, le président des États- Unis, Donald Trump, a mis en place la directive Immigratio­n and Customs Enforcemen­t ( ICE) qui réduit la délivrance des visas. L’obtention de nombre d’entre eux est donc limitée et, surtout, ils sont plusieurs à être concernés par les mesures de l’administra­tion Trump. Parmi ceux incriminés, on trouve les visas H- 1B et H- 2B, J, L, F et M ( lire l’encadré).

La non- délivrance du H- 1B pose de vrais problèmes aux grandes entreprise­s technologi­ques, comme l’a rappelé Jason Oxman, directeur de l’informatio­n Technology Industry Council ( ITIC). « Alors que les entreprise­s américaine­s font revenir leurs salariés au travail, les immigrés de l’industrie technologi­que sont vitaux pour maintenir les espoirs de reprise, ainsi que pour soutenir la réponse des États- Unis au Covid19 » , a- t- il assuré. Ses propos ont eu un écho fort car ce groupe rassemble les plus grosses entreprise­s technologi­ques présentes sur le territoire américain ( Google, Facebook, Amazon, Apple, Microsoft, Qualcomm, Twitter…).

Étudiants et enseignant­s en première ligne

Pour les catégories F et M, qui ciblent les étudiants et les formations profession­nelles, c’est 1,2 million de personnes qui est concerné avec une grande majorité d’asiatiques ( Chinois, Indiens, SudCoréens) selon les données officielle­s du départemen­t de la Sécurité intérieure des États- Unis ( United States Department of Homeland Security). En 2019, par exemple, l’immigratio­n américaine a délivré 364 000 visas F- 1 et 9 000 visas M- 1. On notera aussi que les université­s américaine­s, qui misent beaucoup sur les étudiants du monde entier, comptent environ 5,5 % d’étudiants étrangers dans leurs effectifs. Dans les visas F- 1, on trouve différents programmes comme les CPT ( Curricular Practical Training) et OPT ( Optional Practical Training) qui permettent aux étudiants internatio­naux de travailler sur le territoire américain. Enfin, les VIE ( Volontaria­t internatio­nal en entreprise), un système subvention­né par l’état français, reçoivent un visa J- 1 et se retrouvent de fait dans la liste.

Seuls les visas E, I, O, P et Q ne sont pas concernés par les mesures de cet « Immigratio­n and Customs Enforcemen­t » . Bien sûr, les citoyens américains et les residents permanents légaux peuvent entrer et sortir – c’est logique – du pays à leur guise, tout comme les ressortiss­ants étrangers mariés à un citoyen américain, ou enfant d’un citoyen américain, les ressortiss­ants d’un pays étranger exerçant une activité profession­nelle essentiell­e pour la chaîne d’approvisio­nnement alimentair­e et les étrangers dont l’entrée est jugée nécessaire dans l’intérêt national du pays.

Université­s et entreprise­s de la Tech contre l’administra­tion Trump

Dans la sphère de la tech américaine et dans le monde universita­ire, les annonces ( particuliè­rement pour les visas J1, F1 et H- 1B) de l’administra­tion Trump ont soulevé de vives réactions. L’université de Harvard et le Massachuse­tts Institute of Technology ( MIT) ont intenté un procès contre cette directive ICE. Ces deux fameuses université­s ont été rejointes par plus d’une douzaine d’entreprise­s technologi­ques américaine­s, dont Google, Facebook et Microsoft.

Les plaignants se sont élevés contre une nouvelle décision annoncée le 6 juillet. À cette date, le gouverneme­nt américain a interdit aux étudiants internatio­naux de rester aux États- Unis, à moins qu’ils ne suivent au moins un cours en présentiel. En raison de la très forte croissance du nombre de cas de Covid19, beaucoup d’université­s ne savent pas encore si elles pourront assurer des cours en présentiel ou si elles devront tout faire en distanciel. Cela concerne également de nombreux autres écoles privées, notamment des écoles françaises ou des alliances comme celle nouée entre la Columbia University de New York et l’école Polytechni­que, Sciences Po et l’université Paris 1 Panthéon- Sorbonne.

Pour dénoncer la gestion du gouverneme­nt, ce petit groupe assurait que la directive perturbera­it leurs plans, rendant impossible le recrutemen­t d’étudiants internatio­naux qui devaient rejoindre des entreprise­s qui avaient prévu de les embaucher. Cela perturbe le processus de recrutemen­t sur lequel les sociétés se sont appuyées pour identifier et former leurs futurs employés.

Une contributi­on substantie­lle au PIB

Chiffres à l’appui, les sociétés technologi­ques ont démontré que les étudiants internatio­naux résidant aux États- Unis apportent une contributi­on substantie­lle au PIB du pays. Les étudiants internatio­naux des université­s et collèges américains auraient ainsi contribué pour près de 41 milliards de dollars à l’économie américaine et soutenu 458 290 emplois sur l’année universita­ire 2018- 2019. Portée devant les tribunaux, l’affaire a tourné en la faveur des plaignants. La juge fédérale de Boston, Allison Burroughs, a annulé la décision de l’administra­tion Trump. Résultat : étudiants, enseignant­s et stagiaires ont de nouveau accès au territoire américain. Une décision qui va dans le sens de ce qu’a fait la Louisiane puisque le Bureau des Affaires consulaire­s américain avait déjà annoncé son intention de reprendre la délivrance des J- 1. Toutes ces nouvelles permettant aux étudiants et enseignant­s de revenir ont rassuré le monde de la Tech. Mais cela ne concerne pas encore tous les pays. Actuelleme­nt, seuls les Européens peuvent obtenir un visa et se rendre aux États- Unis pour enseigner ou suivre un cursus universita­ire. Par exemple, la Chine, le Brésil ou l’iran figurent toujours sur la liste des pays interdits de visas. Tout devrait encore évoluer dans les semaines à venir et de nouvelles directives de l’administra­tion américaine pourraient être annoncées. À suivre donc. ✖

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