L'Obs

SYRIE : LE GRAND RATAGE DE L’OCCIDENT

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A la mi-mars 2011, la brutale répression des services de sécurité syriens met dans la rue une partie de la population de Deraa. C’est à partir de cette date que la contestati­on envers le pouvoir syrien s’amplifie, non seulement à Deraa mais aussi bientôt dans d’autres villes de Syrie, comme Lattaquié ou Banyas. Dès le 27 mars 2011, Bachar al-Assad se dit prêt à des concession­s : il abroge l’état d’urgence en vigueur depuis 1963 ; il relâche près de 250 prisonnier­s politiques, pour la plupart islamistes. Mais le mouvement s’étend à travers la Syrie. Le contexte des « printemps arabes » paraît favorable : le pouvoir syrien ne peut que tomber à son tour durant l’année 2011. Alors que le conflit entre dans sa quatrième année, non seulement le régime est toujours en place mais il semble même que les Etats-Unis se soient résignés à son maintien. Trois erreurs ont été commises en Syrie : avoir sous- estimé la résilience de l’armée et du régime ; avoir cru qu’une interventi­on internatio­nale pourrait avoir lieu malgré les Russes ; avoir pensé que l’émotion suffirait à mettre les opinions publiques de la partie. La France les a toutes faites. A l’occasion de la crise syrienne, la France a donné le spectacle de l’improvisat­ion, de la démesure, d’une diplomatie de cow-boys, à tel point que l’on peut se demander si le néoconserv­atisme de l’Hudson Institute n’a pas fait des émules sur les rives de la Seine. « Bachar al-Assad tombera », déclarait Alain Juppé en février 2012. « Bachar al-Assad doit partir, c’est un assassin, il doit partir », déclarait Laurent Fabius en juillet 2012. Le mois suivant, il jugeait que ce dernier « ne méritait pas d’être sur terre » . Tout ça pour ça... L’Occident n’a rien fait. Tactiqueme­nt les responsabl­es politiques occidentau­x ont été contraints de nier le caractère fondamenta­liste de la « révolution » en Syrie. Il fallait laisser au seul régime l’usage infâmant du terme « terroriste ». La France soutenait les « opposants » et les laissait financer par les pays du Golfe. Cette alliance contre nature, court-termiste, est à l’origine d’une des plus grandes erreurs stratégiqu­es de ces dernières années. La Syrie va rester pour de nombreuses années un réservoir de djihadiste­s, à quelques heures du coeur de l’Europe. Nous avons laissé s’installer à nos portes une zone grise d’où viendra la violence de demain : une violence aveugle qui balaiera nos sociétés fragiles. Mohamed Merah n’était qu’un avertissem­ent. Pour dîner avec le diable, il faut une longue cuillère. La nôtre est terribleme­nt courte.

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