LA BANDE À LIP
C’est quoi, une lutte sociale ? Une action collective tendue vers un objectif précis, scandée par des épreuves de force. Mais aussi une expérience intime, qui change le regard sur le monde et qui, parfois, frôle la grâce. « Moi, je suis OS, alors je me sentais inférieure aux femmes des bureaux, vous voyez ? raconte une gréviste de Lip. Durant le conflit, j’ai pu leur parler, on a fait connaissance, on s’est découvertes au point de devenir amies. » L’épopée autogestionnaire des Lip fait partie des grandes pages de la contestation politique qu’il faut revisiter régulièrement, parce qu’elles auront toujours quelque chose à nous apprendre. En 2007, Christian Rouaud lui avait consacré un documentaire enthousiaste. La BD de Galandon et Vidal en propose une autre facette, romancée, sensible, féministe. Solange est une fille mère et une ouvrière docile. Patrick, qui l’a recueillie et épousée, a tranché : pas question que sa femme se joigne au mouvement. Et pourtant, Solange distribue des tracts, reste la nuit à l’usine, trouve une planque pour le stock de montres. Peu à peu, elle va s’éloigner de la vie trop rangée que le destin lui réservait. Solitude, appartement de secours, rencontre, découverte de la photographie. Dans les dernières pages, c’est elle qui recueille les témoignages de ses collègues. « On s’est sentis frères », dit l’un d’eux. Parce que se battre, c’est vivre, tout simplement. Lip, des héros ordinaires, par Laurent Galandon et Damien Vidal, Dargaud, 168 p., 19,99 euros.