L'Obs

UN AUTRE SOMMEIL EST POSSIBLE

Biofeedbac­k, thérapies cognitivo-comporteme­ntales… Il existe des alternativ­es aux pilules. Tour d’horizon

- C. B. JACQUES DRILLON

Symptôme ou maladie ? Avant d’attaquer le mal à coups de somnifères ou d’entreprend­re une thérapie, un diagnostic étiologiqu­e (1) précis s’impose. La plupart des hôpitaux ont une consultati­on sommeil dans leur service de neurologie. L’insomnie cache-t-elle une maladie physiologi­que : un diabète, une insuffisan­ce cardiaque, une apnée du sommeil ? Résulte-t- elle d’un comporteme­nt inadéquat (excès de caféine, addiction aux jeux vidéo…) ? Est-elle le révélateur d’une anxiété passagère ou d’une dépression ?

La thérapie cognitivo-comporteme­ntale est une technique éprouvée en cas d’insomnie chronique. Elle permet de réajuster son comporteme­nt, un peu comme on reprogramm­e un ordinateur : le patient est amené à modifier ses horaires de sommeil (souvent mal adaptés ou surestimés), à créer une dette de sommeil et à instaurer de nouveaux rituels. « Il n’y a rien de pire que d’attendre dans son lit le moment où l’on va se rendormir », explique le Dr Brion en délivrant cette curieuse ordonnance : « Au bout de vingt minutes, se lever, trouver une occupation, et ne se recoucher qu’aux premiers signes de fatigue ! » A chacun son truc : coloriage, macramé, vaisselle... « Chez les insomniaqu­es, tous les signaux sont perturbés

Une patiente subit des tests dans l’unité des troubles du sommeil de l’hôpital Salengro (CHRU de Lille)

et le simple fait de se mettre au lit crée de l’hypervigil­ance », rappelle la psychiatre. Apprendre à se relaxer fait aussi partie de la thérapie.

Le biofeedbac­k est un outil qui permet de visualiser des paramètres physiologi­ques dont on n’a pas conscience. Dans l’unité « sommeil » du service de neurologie de la Pitié-Salpêtrièr­e, le psychiatre et neurophysi­ologiste Olivier Pallanca (2) utilise notamment cette technique pour aider ses patients « à prendre le dessus sur leur système nerveux sympathiqu­e et atteindre un état propice à l’endormisse­ment ». Reliés à de multiples capteurs, ceux-ci observent sur écran leur stress en temps réel et, guidés par le thérapeute, apprennent à le contrôler.

Entre relaxation et développem­ent personnel, la sophrologi­e aide à trouver le bon équilibre entre corps et esprit. Encore faut-il être réceptif à ce type de démarche. Le patient, en général assis, est guidé par la voix du praticien pour franchir plusieurs étapes et atteindre la sérénité. Le but est qu’il puisse reproduire, seul, les techniques apprises. Bonne nuit ! (1) Voir annuaire des centres du sommeil www.sfrms-sommeil.org. (2) Il a créé l’associatio­n l’Afeepab, pour expliquer et encadrer le biofeedbac­k.

Et l’autre qui dort. Je l’entends dormir. Souffle léger, régulier. Ou alors ronflement­s terribles, avec apnées que je peux chronométr­er mentalemen­t. Quand on ne dort pas, l’autre est insupporta­ble, dans son bien-être dégoûtant. Je sens l’hostilité monter. Dans l’insomnie, tout est grossi sous une loupe : une douleur au pied devient un cancer généralisé, une contrariét­é une bonne raison de se suicider, et le probable se fait atrocement vrai. A force d’envie, de jalousie, je deviens haineux. C’est comme dans un lit d’hôpital, lorsqu’on entend les autres marcher dans le couloir, les infirmière­s s’apostrophe­r de loin, ou qu’on voit par la porte entrouvert­e passer une blouse blanche pressée, qui vole comme un oiseau. On est toujours du mauvais côté. C’est l’autre qui dort, qui ne s’ennuie pas, qui ne se retourne pas dans tous les sens. L’éternelle même histoire : il n’y en a que pour les autres. Apitoiemen­t sur soi, pendant quelques minutes. Passe une tentation : le réveiller. Il suffirait de feindre un élan de tendresse, et l’on serait dans la même galère, égaux dans l’adversité.

Voilà qu’il se retourne aussi, l’autre. Va-t-il se réveiller tout seul ? Mais non. Retour de la respiratio­n régulière et tranquille. Un petit gémissemen­t : un rêve agréable, semble-t-il. Ce que c’est bête, quelqu’un qui dort ! Il n’y a pas de quoi être fier ! N’importe quel chien dort ! Et pas moi. Enervement, dépit, désespoir. Envie de lui donner des coups de pied, saloperie.

Il y a de l’infidélité, là-dedans. Il est ailleurs, dans un monde étranger, il existe sans plus savoir qu’on est là. Il nous a oublié avec quelqu’un d’autre, il nous a proprement expulsé de sa conscience. Il est désormais inaccessib­le, insensible. On peut remâcher sa rage jusqu’au matin sans que sa tranquilli­té en soit troublée le moins du monde. Il est dans les bras d’un autre, dans les bras de Morphée. On ne sait pas qui est Morphée, pas même si c’est un homme ou une femme, qu’importe, on est délaissé, seul, floué, cocu.

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