Justice partout
Où l’on voit qu’elle réservera toujours des surprises
assurée, quelle peine le procureur a requise contre le meurtrier du clochard, ne demandez pas quelle condamnation a été prononcée, personne n’y a trouvé le moindre intérêt mais on vous confiera que la fille était une employée du greffe et le gars un chauffeur de la pénitentiaire, d’autres disent une avocate venue de Rome (pourquoi de Rome ?) et un inspecteur de police (d’ici, de Gênes, l’inspecteur), et pourquoi pas la concierge avec le bâtonnier, ou bien deux juges d’instruction qui se reposaient de leurs enquêtes, faites-vous assassiner, la justice s’occupe du reste. Le condamné luimême en rigole encore : « Si tu savais, à mon procès. »
Il est chrétien. Aucun rapport avec son handicap et son fauteuil roulant mais c’est pour dire : Dieu ne l’a pas favorisé. Heureusement, il a épousé une bonne chrétienne, qui lui a déjà donné un fils. Il a dix-huit mois, le fils, il est en prison avec sa maman. Laquelle maman, dans quelque trois semaines, y donnera naissance à une petite soeur. Pourquoi la prison ? On va vous le dire : ayant quitté les rives de la Méditerranée, nous sommes à Khartoum, au Soudan, où un tribunal a jugé qu’elle était née musulmane et qu’en se prétendant chrétienne elle a commis l’apostasie. Ma mère était chrétienne, dit-elle, et mon père musulman nous a abandonnées quand j’étais toute petite, je suis chrétienne voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien (citation d’un air connu des chrétiens). Dis que tu es musulmane, ton mariage avec un chrétien te vaudra simplement d’être condamnée au fouet pour adultère et tes enfants, même nés de ce chrétien, seront musulmans. Refusant de renier sa foi, elle a été condamnée à mort, d’où la prison en attendant son accouchement. Ensuite, ce sera cent coups de fouet pour l’adultère, suivis, pour l’apostasie, de la pendaison. Toutes les religions en font faire ou en ont fait faire d’aussi belles et les chrétiens, pas seulement eux, en ce moment même, pour les musulmans ne sont pas partout blancsbleus. Aussi bien ne cite-t-on ici le nom des religions en cause que pour la commodité du récit. C’est un bonheur, écrire de tels récits.