Lens, le pays de la gauche fatiguée
Au coeur du bassin minier, l’ancienne cité ouvrière est devenue une réserve de déçus de François Hollande
devant une épicerie, un retraité se lamente: « Detoutefaçon, yarienàvoir ici. La ville est sinistrée. » Lui aussi est fatigué, des politiques en général, et de la gauche en particulier. « Au niveau local, c’est nul. Et au niveau national, c’estarchi-nul! » Il votait socialiste, c’est fini. Avec 17% de chômage, Lens ville morte n’a plus que les exploits des Sang et or qui remontent en Ligue1 pour s’enflammer… Alors, certes, il y a bien encore quelques combattants qui ne baissent pas les bras. A l’association Unis-Cité (1), des animateurs incitent les jeunes à voter. « On leur répète que c’est important, que leurs voix comptent », dit Mathilde. Autour d’elle, les jeunes présents sont unanimes : «A quoibon? Çasertpasàgrand-chose… » Beaucoup ont vu leurs parents perdre leur emploi. « Hollande parle de la jeunesse, mais il s’en fout! » Le désarroi se transmet d’une génération à l’autre. L’abstention a atteint 66% dimanche aux européennes, et la ville a l’air d’une réserve de « déçus » de la gauche. Le PS n’a obtenu que 18% des voix, loin derrière le FN (39,5%). Bertrand Delaporte, 26 ans, animateur d’un collectif de graffeurs, Red Bricks, s’est présenté sur une liste divers gauche aux municipales. Il en est revenu. « J’ai été déçu par les pleurnicheries et lemanque d’idées. » A l’association Droit au Travail, les oubliés se succèdent, près de 400personnes par mois, laminées par la crise. Joël, salarié de l’association, a voté PS longtemps. Très longtemps. Il a cru que François Hollande « allait fermer son clapet à Merkel. Etpuisilgobetout… Etilpréfère faire des promesses aux patrons! ». Les chômeurs réunis dans le local se sentent abandonnés. « Lesusinesquis’installent ici fontdutroc. Ellesdemandentunterrain, des subventions, et puis elles s’en vont… » Les emplois et la gauche avec.
(1) www.uniscite.fr