L'Obs

“Barbus” et “théorie du genre” à Joué-lès-Tours

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Le Bon Dieu s’est arrêté à Chinon, mais Marine Le Pen, pas encore. Dans sa croisade, la blonde Marine n’a pas eu besoin d’apparaître en chair et en os pour que sa parole soit écoutée. Elle peut même se passer de prédicateu­rs. Elle pourrait rester muette comme une carpe, Marine, le FN convertira­it quand même les foules. A Chinon, il n’y a pas d’étrangers, certes, mais ils ne sont pas loin. Quand on va faire les courses, pour une virée à Ikea ou Conforama, c’est facile de s’égarer à Joué-lès-Tours. Direction le quartier de la Rabière, une ZUP, connue dans toute la région. Là, des boucheries halal, on en voit plein. Des voiles aussi. Joué, c’est le 9-3 de la Touraine. « Une

Rabelais et Jeanne d’Arc, c’est notre patrimoine.

Mon fils a unBEP de cuisine et ça fait deux ans qu’il cherche. Rien! » Dans les années 1950, à Joué, il n’y avait que des champs. Et puis Michelin est arrivé. On a construit, construit. Fait venir des Portugais, des Turcs. Puis des Maghrébins. Et puis Michelin a rétréci. Des 4 000 salariés à la glorieuse époque, il n’en reste plus que 250. Joué s’est englué dans la crise. Les Jocondiens, le doux nom qu’on donne aux habitants de Joué, se sont noyés avec.

La ville affiche un visage morne, une succession monotone d’immeubles HLM; oh, pas vraiment des barres, non, de petits rectangles tristounet­s, tout droit, et, çà et là, des pavillons serrés les uns contre les autres. L’hôtel de ville se dresse sur une place nue où s’engouffren­t les rafales de vent. C’est un bloc gris et austère, aussi aimable qu’un mausolée stalinien, où est inscrite en grosses lettres la devise: « Liberté, égalité, fraternité… et laïcité. » C’est l’ex-maire PS, Philippe Le Breton, qui a ajouté le mot qui fâche. Il y a deux mois, il a perdu les élections de quelques centaines de voix. Il en est persuadé : c’est la laïcité qui l’a tué. Devant la mairie, un tram flambant neuf passe. Il est beau ce tram, un sourire jocondien qui fend la ville de tout son long et embrasse le quartier de la Rabière. « Maisperson­ne n’enaparlépe­ndant lesmunicip­ales », se lamente LeBreton. Ici, alors que le chômage est au plus haut, les débats se sont focalisés sur une polémique surréalist­e. A la veille du scrutin, le mouvement des « journées de retrait de l’école » (JRE) lancé par Farida Belghoul, une ancienne de SOS Racisme, issue des rangs de l’extrême gauche et désormais proche de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, a ciblé l’école maternelle Blotterie dans le quartier de la Rabière. Une disciple de Belghoul, étiquetée déléguée JRE, habitante de Tours, accusait dans une vidéo une enseignant­e de la Blotterie d’avoir demandé à un petit garçon et à une petite fille de se déshabille­r en classe et de se toucher les parties génitales. C’était, bien entendu, du vent. La maman du petit garçon, tchétchène, ne parle pas français et n’a d’ailleurs jamais porté plainte. L’autre mère a formelleme­nt démenti. Mais les

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