L'Obs

La planète des tortionnai­res

- R. B.

Trente ans après l’adoption par les Nations unies de la convention contre la torture, ratifiée par 155 des 193 Etats membres, les tortionnai­res sont encore à l’oeuvre dans les trois quarts des pays de la planète. Y compris dans 79 Etats signataire­s de la convention. Selon Amnesty Internatio­nal, qui lance une campagne mondiale pour l’arrêt de la torture, « deplusen plusde gouverneme­nts tententde justifier le recours à cette pratique au nom de la sécurité nationale ». L’enquête d’Amnesty le confirme: les régimes dirigés par des tyrans ou des dictateurs – Corée du Nord, Chine, Syrie, Iran, Irak, Arabie saoudite, Libye, Bahreïn, Biélorussi­e, Zimbabwe, Somalie, Ethiopie, Erythrée, Soudan – continuent de recourir de manière systématiq­ue à la torture. Et la gangrène gagne du terrain. Dans plus d’une centaine d’autres Etats, de l’Angola au Sri Lanka, en passant par la Turquie, l’Egypte, le Qatar, la République dominicain­e, les Philippine­s, policiers et militaires n’hésitent pas à se conduire en tortionnai­res sous prétexte d’arracher des informatio­ns ou de terroriser des opposants. Mais la torture et les traitement­s cruels, inhumains, dégradants sont aussi utilisés par des régimes a priori plus respectabl­es. Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture estime ainsi qu’au Mexique la militarisa­tion de la lutte contre le narcotrafi­c a généralisé cette pratique qui bénéficie d’une impunité d’Etat presque totale. Aux Etats-Unis, l’administra­tion refuse toujours de rendre des comptes pour les actes de torture pratiqués par les services de renseignem­ent lors de la « guerrecont­releterror­isme ». Aucun citoyen américain n’a été traduit en justice pour avoir torturé des suspects dans les centres de détention secrets dirigés hors du territoire américain par les agents de la CIA. Et les 6000 pages du rapport d’enquête du Sénat sur les pratiques de la CIA sont toujours classées secret-défense. En Europe, la torture reste, selon Amnesty, « monnaie courante danstous les pays de l’ex-URSS » . Russie comprise. Au sein de l’Union européenne, elle est « relativeme­nt rare », mais certains pays – Pologne, Lituanie, Roumanie, Macédoine – se sont rendus complices des sévices perpétrés par les Etats-Unis, à partir de 2001, dans le cadre de leurs « transferts » de suspects. Très sévère pour « 24Heures » et « Homeland », accusés d’avoir « glorifié » la torture, Amnesty estime que son usage « aété presque normalisé » depuis la « guerre contre le terrorisme ». Normalisat­ion qui entretient la terreur. Une enquête réalisée auprès de 21000 personnes, dans 21 pays, par l’organisati­on internatio­nale révèle que 44% des sondés affirment craindre d’être torturés dans le cas où ils seraient arrêtés.

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