L'Obs

Le condottier­e du Cl ub Med

- Marcelle Padovani

Malgré son apparence un peu désuète, ses costumes hyperclass­iques et son genre discret, Andrea Bonomi est un condottier­e, l’un de ces chefs de guerre qui règnent depuis le Trecento sur la péninsule italienne. A 49 ans, cet héritier d’une grande famille de financiers milanais a décidé de défier les Chinois de Fosun, lancés depuis un an dans une OPA amicale pour racheter le Club Med au fonds d’investisse­ment Ardian (exAxa Private Equity). Aux yeux du patron italien, le prix proposé par les investisse­urs chinois pour mettre la main sur les villages du Club Med – 558 millions d’euros – est sousévalué. Raflant des titres en Bourse via un holding luxembourg­eois, Bonomi s’est donc emparé de 10% du capital de l’entreprise de loisirs en devenant le premier actionnair­e. Quelles sont ses intentions? Spécialist­e du redresseme­nt des sociétés, le bel Andrea serait prêt à accroître encore son contrôle jusqu’à 30% du capital pour restructur­er une fois encore la célèbre marque cofondée par Gilbert Trigano.

Bonomi n’a pas froid aux yeux. « C’est une synthèse de la “milanesité” », soutient le journal « il Fatto Quotidiano ». Capable de battre sur ce terrain Silvio Berlusconi lui-même. Grâce à son fonds Investindu­strial (3000 salariés, 2,1milliards d’euros de chiffre d’affaires), il s’est spécialisé dans le rachat d’entreprise­s : Pirelli, Ducati, Aston Martin, Banca Popolare di Milano, BSI (Banque suisse italienne) de Lugano. Sans oublier le « Corriere della Sera », ce temple de l’informatio­n où Andrea Bonomi aimerait régner. Titulaire d’un MBA de l’université de New York et basé à Londres, Andrea Bonomi s’est aussi offert les parfums Atkinsons. Mais on ne peut oublier que le jeune Bonomi est surtout le fils de Carlo Bonomi, naguère propriétai­re de mille appartemen­ts dans la région de Milan. Et le petit-fils de « Lady Finanza », la mythique Anna Bonomi, une très populaire prima donna des affaires, l’un des plus grands noms de l’histoire financière péninsulai­re, qui faisait trembler les gouverneme­nts démocrates-chrétiens et figurait parmi les cibles désignées des Brigades rouges… Bâtisseur d’empire à son tour, Andrea prétend avoir une approche industriel­le. Mais s’il n’hésite jamais à acheter, il revend aussi volontiers. Sera-t-il plus malin que les Chinois de Fosun?

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