L'Obs

Une histoire française

Descendant­s des Justes, ils ont entre 17 et 32 ans. A Jérusalem, ils ont fait le mois dernier la connaissan­ce des juifs que leurs ancêtres avaient cachés sous l’Occupation et sauvés

- Par Denis Demonpion

Gaby Hochman était trop jeune pour avoir un souvenir précis de sa réclusion. Elle avait 2 ans et demi, quand le 16 octobre 1943, le sud de la France ayant à son tour été occupé par l’armée allemande, elle est arrivée au couvent orphelinat de la Providence à Mende (Lozère). Une manière de la mettre à l’abri. Elle se souvient juste qu’elle était avec sa grande soeur, Annie, âgée de 13ans et demi, et aussi d’un coin de la chapelle où on la plaçait pendant les offices religieux– non sans lui donner préalablem­ent un paquet d’images pieuses de la Vierge et des saints aux couleurs vives, histoire de la distraire et d’éviter qu’elle ne dérange. « Onmemettai­tdansunend­roitunpeu plus grand qu’un cagibi au sous-sol », note Gaby. Au-dessus de sa tête, le plafond était si bas que tant d’années après, d’un geste machinal, elle lève encore la main comme pour le toucher. Dans cette chapelle, il y avait une porte, derrière l’autel, qui menait à la cachette par un escalier en colimaçon. C’est là qu’en cas de descente de la Gestapo, à l’insu des autres enfants et des religieuse­s, soeur Marie Emilienne emmenait les deux petites se réfugier. Car ils n’étaient que trois au sein de l’institutio­n religieuse à être dans le secret de l’origine des deux enfants juives: le père aumônier Joseph Caupert, suspecté par ailleurs de cacher des réfractair­es au Service du Travail obligatoir­e en

Gaby Hochman, au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, entourée desdescend­ants des Justes qui lui ont sauvé la vie : Benjamin Michellier (à g.) et Thibault Brugeron

Allemagne, la mère supérieure Marie Rose, née Augustine Brugeron, et soeur Marie Emilienne, née Marie-Rose Hermantier, qui avait alors 20 ans. Gaby ne les a pas oubliés, pas plus que le code secret adopté pour prévenir le danger. « Soeur Emilienne se posait la mainsurlat­êteet, àcesigne, Anniecompr­enait qu’elle devait aller chercher sa petite soeur et la suivre, bouche cousue, pournous cacher. »

Gaby Hochman a aujourd’hui 73ans, un beau regard brun, un sourire triste et doux sur les lèvres. Elle habite à Jérusalem où fin avril, pour la première fois de son existence, elle a fait la connaissan­ce de Thibault Brugeron, 27 ans, le petit-neveu de mère Marie Rose, et

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