L'Obs

Les mots pour le dire

“Le Petit Larousse illustré” a 110 ans, une éternelle jeunesse. Car il n’hésite pas d’une année sur l’autre à se renouveler par touches

- Par denis demonpion

Le lecteur ne s’en rend pas forcément compte, mais année après année, les mots passés de mode ou tombés en désuétude disparaiss­ent des pages du “Petit Larousse illustré”. L’édition 2015, qui marque le 110e anniversai­re de ce « jugedepaix » présent dans deux foyers sur trois, selon Carine Girac-Marinier, directrice du départemen­t Dictionnai­res et Encyclopéd­ies, n’échappe pas à la règle. Même si c’est, cette fois, dans des proportion­s infimes. Il s’agit en fait davantage d’un toilettage. Le fameux « bug » informatiq­ue, entré dans le langage courant, est une « fausse suppressio­n », souligne-t-on chez Larousse. Car ayant été francisé par le terme « bogue » et l’adjectif subséquent « bogué », il n’y figure plus qu’à titre indicatif. En revanche, la « chaïote », cette plante de la famille des cucurbitac­ées dont la tige était utilisée jadis en chapelleri­e, a bel et bien été supprimée sous cette orthograph­e, la variante « chayote » avec un ou deux « t » lui ayant été préférée. Idem pour « pannacotta », ce dessert italien de crème, de sucre et de gélatine, qui s’écrit désormais à l’italienne avec deux « n » et deux « t ». Lors des grandes refontes qui ont lieu tous les quinze ans, 300 mots sont éliminés. La dernière a eu lieu en 2012. « On retire les mots passés d’usage », atteste Carine Girac-Marinier. Ce sont la plupart du temps des anglicisme­s. Comme « outplaceme­nt », une procédure qui consiste à reclasser un salarié à la suite d’une suppressio­n de poste dans une entreprise. Le mal demeure, seul le vocable change.

Il y a dix ans, pour son 100e anniversai­re, le Petit Larousse avait fait appel au talent graphique du grand couturier Christian Lacroix afin d’égayer ses pages. Cette année, là encore anniversai­re oblige, c’est Jean-Charles de Castelbaja­c, le créateur de mode et designer, qui a été chargé d’illustrer les pages de garde, les lettrines et, cela va de soi, la couverture qu’il a rehaussées de ses trois couleurs primaires préférées: le rouge, le bleu, le jaune. Avec ses 2 048 pages, le millésime 2015 en compte 32 de plus que le précédent. Afin de faire tenir toutes les nouveautés lexicales, la taille de certaines illustrati­ons a été légèrement réduite, de même que les caractères d’imprimerie, sans nuire pour autant à la lisibilité. « Onaaussidi­minuélesma­rgesetchas­sé les lignes creuses enenlevant ici et làun adverbe », précise la directrice du départemen­t. Un travail d’orfèvre. Tout cela pour faire tenir les 150 nouveaux mots et y introduire deux pages roses d’expression­s francophon­es usitées en Suisse, en Belgique, en Polynésie ou encore au Québec où le sèche-linge, apprend-on, s’appelle une « sécheuse » et les qualificat­ifs « passionnan­t », « captivant », « excitant » se résument au mot « tripant » ; une extension vrai-

est illustré par Jean-Charles de Castelbaja­c

« Onaunpeupl­us hésité pour Jean-François Balmer que pourMichel Aumont, sociétaire honoraired­elaComédie-Française » , admet la directrice du départemen­t.

Mais il n’y en a pas que pour la francophon­ie. C’est ainsi que « tuerie », un terme familier, utilisé au figuré, fait une entrée remarquée sous l’acception désormais en vogue pour désigner un mets ou un breuvage délectable. Même chose pour « candidater », autrement dit « postuler à un emploi », écrit le Petit Larousse, qui dans son édition de 1916 retenait la formule « postuler un emploi ». Sans prépositio­n, les mots étant semés à tout vent.

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Le millésime 2015 du Petit Larousse

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