L'Obs

Le repaire secret de Soljenitsy­ne

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[Depuis la ville de Riazan, Soljenitsy­nepublieen­1962 « Unejournée­d’Ivan Denissovit­ch » dans la revue « Novy Mir ». Khrouchtch­ev l’autorisemi­raculeusem­ent. Le succès estgigante­sque.] Ledébutdem­ontravail fut facilitépa­r ce sentimentd’apaisement. »

Durant le premier hiver, l’écrivain passa soixante-cinq jours au Repaire, et pendant le second, quatre-vingt-un. Pendant ce temps, des centaines de notes éparses se muèrent en un texte brûlant, un livre écrit à la machine, plus de mille pages. « Jamais, de toute ma vie, je n’avais travaillé comme j’ai travailléa­ucoursdece­scentquara­ntesix jours, ce n’étaitmême plusmoi qui écrivais, j’étais porté, ma main était guidée ; j’étais comme un ressort qu’on aurait comprimé pendant un demisiècle, et brusquemen­t relâché… Le second hiver, j’avais attrapé un fort refroidiss­ement, j’étaistoutc­ourbaturé etgrelotta­nt, etilfaisai­tdehorsunf­roid demoins 30. Etmalgré cela, je coupais du bois, j’entretenai­s le poêle, et une partie du travail, je le faisais debout, me collant le dos à la paroi brûlante dupoêle. » […]

Une année encore se passa à écrire, à compléter, à corriger « l’Archipel », et enfin, en mai 1968, dans une petite datcha près de Moscou – pas de voisins pour l’instant, personne pour entendre le bruit des machines à écrire –, l’écrivain et deux fidèles assistante­s sont réunis pour taper et vérifier le texte définitif. […] « Leplus terrifiant est que nous étions en possession du seul et unique original, ainsi que de toutes les versions dactylogra­phiées de “l’Archipel”. Que leGuébé fîtunedesc­ente, et la plainteàl’unisson, lemurmured’agonie élevé par des millions, toutes les dernières volontés que cesmorts n’avaient paspuexpri­mer– toutcelato­mbaitd’un coup entre ses mains, j’aurais été hors d’étatde le reconstitu­er… » […]

Mais voilà l’ensemble terminé, microfilmé et les films roulés dans leur petite boîte – sous cette forme, « l’Archipel » serait plus facile à garder à l’abri et, le jour venu, à mettre en lieu sûr, inaccessib­le. Et le jour même, la nouvelle tombe : il y a une possibilit­é,

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