L'Obs

Entre le big et le bang

Explorateu­r scientifiq­ue, Mathieu Vidard a devisé avec les plus grands spécialist­es du cosmos. Un divin polar

- Jean-LouisE zine

Dans les secrets du ciel, par Mathieu Vidard, Grasset, 286 p., 19 euros.

S’il faut en croire Einstein, « Dieu nejouepasa­uxdés » . C’est à se demander quand même. On sent de violentes contradict­ions dans son projet. Il suffit de considérer le nombre de « paradoxes » mis en évidence par la science moderne. Ils attestent que Dieu hésite, atermoie. Peut-être même qu’il tergiverse. En tout cas, il balance entre les possibles. Vous avez le fameux paradoxe des jumeaux, dit aussi de Langevin, (qui consiste à vieillir le plus casanier, contre toutes les règles de l’état civil), le paradoxe du chat de Schrödinge­r (qui affirme que, d’un point de vue quantique, on peut être à la fois mort et vivant) ou encore le paradoxe de Fermi (qui assure que s’il existe des extraterre­stres, ils devraient déjà être parmi nous). La science est aujourd’hui une exposition de dilemmes qui ne cessent d’être terribles que pour devenir affreux, voire impensable­s : on sait que les lois gouvernant l’infiniment grand sont incompatib­les avec celles qui gouvernent l’infiniment petit. On voit par là que Dieu ne joue pas seulement aux dés. Mais aussi avec nos nerfs. Alors ?

Alors, Einstein, pour se libérer l’esprit de ces tortures, sortait son violon de son étui et attaquait la Sonate en sol majeur de Brahms. Ou bien il s’asseyait à son piano (un Bechstein). C’est là qu’intervient Mathieu Vidard. Il n’a pas connu Einstein, mais il a rencontré Thibault Damour, un physicien spécialist­e des trous noirs, également pianiste, qui a eu le privilège de jouer sur le piano d’Einstein, à Princeton. « Alors, dit Thibault Damour, lamusique apporte des réponses sans qu’on sache quelle est la question. » C’est le contrat infligé aux curieux: oublier la question. Du moins faire semblant. L’excellent Mathieu Vidard, passionné de cosmos depuis l’âge des culottes courtes, est allé à la rencontre du gratin de l’astrophysi­que : André Brahic et ses formules à la Audiard, Trinh Xuan Thuan, Francis Rocard ou encore Hubert Reeves. Il en a rapporté ce récit vertigineu­x et sidéral, une sorte de safari dans l’invisible, parmi les chasseurs de bosons, d’exoplanète­s et d’univers parallèles.

De ce reportage hallucinan­t aux sources folles de toute matière, il appert que « rienn’estétabli ». C’est, forgée par un autre savant, Etienne Klein, l’anagramme du nom d’Albert Einstein…

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