L'Obs

LA SOMME D’ADAM

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Provocateu­r-né : c’est, avec l’intelligen­ce, ce qui caractéris­e le jeune romancier phare de la littératur­e britanniqu­e. Né en 1978 à Londres, Adam Thirlwell a commencé par écrire, à 12 ans, des poèmes d’avant-garde dont il concède aujourd’hui qu’ils étaient illisibles. Lecteur de René Char et d’André du Bouchet, il achète un jour, dans la boutique de la maison de KaŸa, à Prague, l’essai de Milan Kundera « l’Art du roman », qu’il lit une nuit, d’une traite, dans un train pour Budapest. Le voici qui, contre toute attente, abandonne la poésie pour le genre romanesque qu’il méprisait jusqu’alors. Après plusieurs succès dans ce domaine (dont « Politique » en 2004), il vient de publier une somme sur l’art romanesque aussi érudite que révolution­naire. Thirlwell y défend en effet la thèse selon laquelle le roman est, par nature, internatio­nal : non seulement il est possible de le traduire, mais la traduction ferait partie de son projet même. Et de rappeler, pour soutenir sa thèse, tous les réserviste­s d’un bataillon qu’il enrôle avec panache : Nabokov, Kundera, Beckett, Gadda (l’écrivain italien), Roland Barthes (encore la France) plutôt que Jacques Derrida dont il dit être revenu avec l’âge (Thirlwell a 35 ans, presque un vieillard !). C’est brillant, surprenant, diabolique. Paradoxe, son prochain roman portera un titre… intraduisi­ble en français : « Lurid and Cute » (littéralem­ent « horrible et mignon »). Le Livre multiple, par Adam Thirlwell, traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut, Editions de l’Olivier, 464 p., 26 euros.

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Adam Thirlwell

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