L'Obs

Paroles, paroles, paroles…

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Et si on en finissait une bonne fois pour toutes avec les promesses bidon ? On y songeait l’autre jour en écoutant François Hollande assurer à la télévision que les impôts n’augmentera­ient plus, avant de le voir contredit, une semaine plus tard, par… son propre ministre du Budget. Il y a longtemps que ce mauvais feuilleton de la pause fiscale a lassé les Français. Souvent annoncée, jamais réalisée, la fiction n’aura duré cette fois-ci que le temps d’un épisode. Mais elle n’en est pas moins délétère pour ce qu’elle dit en creux de la parole présidenti­elle. D’abord parce qu’il faut une sacrée dose d’inconscien­ce pour promettre la stabilité fiscale à Paris tout en promettant le retour à l’équilibre des comptes publics à Bruxelles.

Même en imaginant que le gouverneme­nt taille à la hache dans les dépenses, personne ne sait de quoi sera fait demain. La longue histoire des collectifs budgétaire­s et autres lois de Finances rectificat­ives est là pour rappeler combien il arrive à l’Etat de confondre conjonctur­e et conjecture­s. Tout budget nécessite des ajustement­s, le plus souvent à la hausse pour le contribuab­le, et ça, François Hollande le sait mieux que quiconque. Promesse délétère, ensuite, parce qu’il y a une forme d’indécence à tenir de pareils propos aux Français qui voient depuis deux ans et demi les chiffres s’aligner sur leur feuille d’impôt. Ces derniers ont la désagréabl­e impression non seulement que le pouvoir leur ment, mais aussi que celui-ci nie ce qu’ils vivent au quotidien, et c’est beaucoup plus grave. La négation de la réalité est un poison lent et mortifère pour les partis politiques. La gauche en a déjà fait les frais, autrefois, à propos de la délinquanc­e.

Inconscien­ce, indécence… On cherche en vain le mot adéquat pour qualifier une autre promesse bidon, celle de Nicolas Sarkozy, cette fois, qui s’engage à revenir sur la loi Taubira, si, par malheur, il venait aux Français l’idée de le réinstalle­r au pouvoir. Après avoir tergiversé un temps, le candidat à la présidence de l’UMP a donc opté pour un grand n’importe quoi juridique et sociétal. Car on voit mal comment cohabitera­ient demain des couples d’homosexuel­s mariés et des couples empêchés de se marier, voire des couples « démariés » – qui sait ? – par une nouvelle loi…

Au-delà du côté ubuesque, ce propos d’estrade en dit long sur le nouveau positionne­ment de l’ancien chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy, qui se targuait autrefois de vouloir débloquer la France, s’est fermement arrimé aux franges les plus conservatr­ices et les plus réactionna­ires de son électorat. Victime consentant­e de la « zemmourisa­tion » des esprits qui veut faire croire aux Français que c’était mieux avant, faute de pouvoir les convaincre que ça ira mieux demain. Abroger la loi Taubira, en voilà tout un programme ! Depuis qu’il est redescendu dans l’arène, Sarkozy n’a rien trouvé de plus innovant… C’est à se demander ce qu’il a fait pendant deux ans.

Les Français ont la désagréabl­e impression non seulement que le pouvoir leur ment,

mais aussi que celui- ci nie ce qu’ils vivent au quotidien, et c’est beaucoup

plus grave.

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