L'Obs

Deux Etats ou la guerre

- JEAN DANIEL J. D.

“IL FAUT QUE LES ISRAÉLIENS ACCEPTENT

QUE LES PALESTINIE­NS JOUISSENT DES MÊMES AVANTAGES QU’EUX : AVOIR

UN ÉTAT”

PIERRE MENDÈS FRANCE

Les débats sur la reconnaiss­ance de l’Etat palestinie­n par le Parlement français ne sont pas – jusqu’ici – d’une violence outrancièr­e. Ils n’ont pas – encore – donné lieu à des exploitati­ons faciles. Car il n’est pas faux d’affirmer que nous avons eu honte de ces journées où nous entendions tous les soirs à la télévision le bilan des bombardeme­nts israéliens sur des cibles pourtant civiles. Sans doute était-ce une réponse à des attentats très meurtriers, mais qui faisaient évidemment dix fois moins de victimes. Dans ce cas, il y aurait dans le vote actuel en faveur de la reconnaiss­ance comme un désir de réparation. En fait, ce désir n’existe que chez ceux qui veulent vraiment deux Etats. Or je crois que, du côté palestinie­n comme du côté israélien, les projets de paix n’ont jamais été formulés que la mort dans l’âme.

Il faut se souvenir de l’exemple d’Itzhak Rabin. Il était, par son histoire, tout sauf un pacifiste. Il avait fini par le devenir par résignatio­n et non par religion. Voici une des conclusion­s de son dernier discours, prononcé juste avant d’être abattu par un fanatique juif : « Je ne suis pas un homme politique. Je suis un soldat. Je l’ai été pendant vingt-sept ans. J’ai combattu aussi longtemps qu’il n’y avait pas de chance de paix. Mais je crois qu’aujourd’hui cette chance existe. C’est pourquoi il faut absolument négocier. » Après quoi il est tombé, lui, le héros de Tsahal et de toutes ses victoires. Mais ce qu’il ignorait, en prenant ainsi parti pour la paix, c’est qu’il effaçait le rêve enfoui dans l’inconscien­t du fondateur, David Ben Gourion, dont rien ne porte à croire qu’il ait envisagé d’autre Etat que le sien, dès qu’il s’est rendu compte que ses ennemis n’étaient pas imbattable­s.

O ù en sommes-nous aujourd’hui ? S’il n’y a pas deux Etats, rien ne changera. L’avenir se construira avec une alternance d’intifadas et de trêves pendant lesquelles la popularité d’Israël ne cessera de diminuer, sauf si l’Etat hébreu arrive à convaincre qu’il est, désormais, plus que jamais en danger. Pendant ce temps-là, surtout, le monde se résigne à observer l’Etat d’Israël augmenter l’étendue de son territoire et les protestati­ons de l’ONU demeurer sans effet. Pendant ce temps-là, à Gaza, le Hamas renforce considérab­lement son armement, et le président de l’Autorité palestinie­nne voit sa gouvernanc­e disparaîtr­e. La vérité, c’est qu’on est arrivé à une situation où, malgré les apparences de négociatio­ns sérieuses comme celles menées par Bill Clinton et sa ministre des Affaires étrangères, Madeleine Albright, aucun aboutissem­ent n’a jamais été en vue. Tout simplement parce que, de chaque côté, il y a toujours des militaires et des politiques comme Benyamin Netanyahou, qui n’en veulent pas. Ce sont des vérités contestées. J’ai pourtant sans cesse été dans la situation de les confirmer.

Ily a eu des pans entiers d’histoire au cours desquels Israël a profité de nouvelles alliances y compris celles nouées avec la France. Même si l’opinion est en train d’osciller. Les dernières propositio­ns de Laurent Fabius d’en finir en deux ans avec les hostilités, sans quoi la France s’engagerait dans la reconnaiss­ance d’un Etat palestinie­n, ne sont pas déraisonna­bles. Et je m’y serais rallié si elles n’avaient pas été aussi tardives. Car de quoi s’agit-il ? Il existe bel et bien, aujourd’hui, cet Etat palestinie­n. Il a été reconnu par la grande majorité des 193 membres de l’ONU. Le 29 novembre 2012, la Palestine a été admise comme « Etat observateu­r non membre de l’ONU » ; 138 pays ont voté en ce sens. Ce statut lui confère le droit d’assister à la plupart des réunions, mais ne lui permet pas de voter, de proposer des résolution­s ni de postuler à des fonctions onusiennes. Ce dont il est question désormais, c’est de lui attribuer un siège de membre de plein droit à l’ONU. La France fera-t- elle, comme tout récemment la Suède, la demande que le nouvel Etat membre, la Palestine, garde son statut d’observateu­r privilégié mais limité ; ou bien qu’il jouisse de ce que les Israéliens considèren­t évidemment comme « une promo

tion inopportun­e, maladroite et dangereuse » ? C’est, disent-ils, une prime au djihadisme et à la terreur. Mais le djihadisme n’arrive pas tout de même à faire oublier toutes les terreurs, et surtout toutes les lâchetés de ceux qui, parmi nous, les ont tolérées.

Pour finir, en ce qui me concerne, si la propositio­n de Fabius avait de véritables chances, je m’y rallierais. Si, comme je le crains, elle n’en a aucune, alors je souhaite qu’en définitive le président et le gouverneme­nt de la France proclament à nouveau solennelle­ment qu’ils tiennent à la constructi­on des deux Etats israélien et palestinie­n. Et que l’on fasse tout pour aider fermement à leur réalisatio­n.

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