L'Obs

Retour sur les motifs d’une agression

Selon notre enquête, les préjugés antijuifs n’ont pas été les seuls mobiles de l’attaque contre Jonathan et son amie

- OLIVIER TOSCER

Jonathan B., 21 ans, et son amie, 19 ans, ont-ils été agressés et dépouillés le 1er décembre dernier dans l’appartemen­t de leurs parents parce qu’ils « étaient juifs et donc

avaient de l’argent », comme l’a martelé le Premier ministre, Manuel Valls ? Selon nos informatio­ns, les faits sont plus complexes. Si les préjugés antijuifs ont bel et bien joué un rôle dans ce sordide fait divers, l’antisémiti­sme n’a pas été le motif premier de l’agression. Au départ, les victimes n’auraient pas été particuliè­rement ciblées parce qu’elles sont juives. Et les malfaiteur­s ne visaient pas Jonathan B. et son amie, qui ne vivent pas de façon permanente à Créteil, mais Samuel B., le frère du premier, vendeur dans un centre commercial de la ville.

Samuel B. avait en effet été « repéré » depuis plusieurs semaines par les jeunes cambrioleu­rs parce qu’il avait l’habitude de louer, à la semaine et en réglant en espèces, une Mercedes achetée en leasing par un proche des cambrioleu­rs. « Cette facilité à sortir du cash a donné des idées à certains », explique-t-on dans le quartier. Contacté par « l’Obs », Me Patrick Klugman, l’avocat des victimes, n’a pas souhaité réagir à cette informatio­n.

Selon notre enquête, l’histoire se noue courant novembre dans une cité de Créteil. Une petite équipe de jeunes se constitue alors pour monter des « saucisson-nages » (des cambriolag­es en présence de la victime) dans le quartier du Port. Le 10 novembre, un membre de la bande est envoyé repérer les lieux chez Simon E., un retraité de 70 ans, en se faisant passer pour un voisin qui aurait besoin de sucre. Il vérifie que Simon E. est seul dans son appartemen­t et rameute ses complices. Le cambriolag­e tourne mal (voir p. 80). Les agresseurs prennent peur et s’enfuient. Mais ils ne se découragen­t pas. Quelques heures plus tard, le même petit voyou sonne à la porte de l’appartemen­t de Samuel B. et de ses parents. Là encore pour demander du sucre. Samuel est seul dans l’appartemen­t et se méfie. La bande décide de reporter le cambriolag­e à plus tard. Entre-temps, comme l’indique la procédure, à laquelle « l’Obs » a eu accès, Samuel B. est allé signaler l’incident au commissari­at. Il y retourne même quelques jours plus tard après avoir réussi à identifier l’homme chargé du repérage, via sa page Facebook.

Désigné, le jeune suspect, 18 ans à peine, est interpellé. Le 1er décembre, il est en garde à vue, quand trois de ses complices pénètrent en force dans l’appartemen­t de Samuel B. Les cambrioleu­rs pensaient tomber sur ce dernier et une montagne de cash. Ils déchantent. Il n’y a que Jonathan, avec son amie, et pas d’argent liquide. Ils insistent, dévoilant alors des préjugés clairement antisémite­s : « On sait que ton père est juif et que vous avez de l’argent. Les juifs, ça met pas l’argent à la banque », s’énerve le chef de bande. Des coups sont portés. Jonathan en sera quitte pour trois jours d’ITT. Sa compagne accuse l’un des agresseurs, l’ayant emmenée à l’écart, de viol. Celle-ci a par ailleurs certifié aux enquêteurs que les malfaiteur­s étaient « agressifs mais pas par rapport au côté religion. Ils étaient clairement là pour l’argent ». De l’argent qu’ils n’ont finalement pas trouvé. L’un des voyous, introuvabl­e jusqu’ici, a réussi à tirer 200 euros à un guichet automatiqu­e grâce à la carte Bleue volée à Jonathan B. Un autre, rapidement arrêté avec les bijoux volés sur lui, a été écroué en compagnie d’un complice présumé. Les deux hommes continuent à nier les faits.

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Jonathan B.

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