LES ROMANS POUR ADOS
15 livres pour les 15 ans
Dans les librairies, on voit apparaître des ghettos pour adolescents. L’édition les appelle « jeunes adultes ». Ou young
adults, puisque les livres pour jeunes adultes sont anglosaxons – ceux qui marchent, du moins. Avec 6,8 millions de romans vendus l’an dernier (chiffre d’affaires : 89 millions d’euros), le marché est en pleine croissance. Entre 2013 et 2014, il a progressé de presque 20%. Les collections prolifèrent : Exprim’, Blast, Bliss, Tribal, Castelmore, R, Blackmoon… En juin 2012, le Centre national du Livre organisait une rencontre sur le sujet. Une éditrice y détaillait les règles du genre : « La voix narrative doit être entendue avant la dixième page. La présentation, en début de roman, ne dépasse pas trois pages. On trouve souvent dans ces romans le thème de l’apprentissage. Les personnages doivent évoluer hors
considérations morales. […] Les livres sont écrits pour
fonctionner en lecture plaisir. » L’an dernier, le plus vendu a été « Nos étoiles contraires » de John Green, 37 ans, qui est donc un adulte médian. Aidé par la sortie du film, il a rejoint le panthéon young adults, entre « Harry Potter » et « Hunger Games ». « Les succès dans ce segment 12-17 ans sont très souvent des phénomènes globaux, poussés par une adaptation au cinéma » ,
DAVID CAVIGLIOLI, AVEC ANNE CRIGNON, DIDIER JACOB, GRÉGOIRE LEMÉNAGER ET FABRICE PLISKIN
BRUNO COUTIER
confirme Sébastien Rouault, à l’institut GfK.
Il est mal vu de critiquer la fiction ado. Il faut insister sur sa qualité, sous peine de passer pour un « vieux con » – secteur qui reste à créer. On y trouve certainement de bonnes choses, et après tout Mark Twain, Hemingway, Jules Verne ou Kafka ont fait du « jeune adulte » sans le savoir. Mais à quoi rime cette fabrication industrielle de romans ciblés, conçus pour enfermer les adolescents dans leur adolescence ? D’autant qu’on voit poindre, aux Etats-Unis, une nouvelle caté
gorie : les new adults, les 18-30 ans, auxquels on fournit une littérature adaptée, à eux qui n’ont lu que du
young adults.
Des générations de jeunes lecteurs ont pourtant formé leurs goûts avec de la littérature tout court, des romans point barre. Des livres parfois un peu trop compliqués, qui exigent qu’on se hausse un peu. Bien sûr, il y aura toujours des petits prodiges pour lire Mallarmé et des têtes de mule pour tenir les bouquins à l’envers en rêvassant. Pour les autres, nous avons choisi, en toute subjectivité, hors des best-sellers scolaires que tout le monde lit déjà, des livres contemporains, modernes, classiques, drôles ou tragiques, qui nous ont fait grandir quand on était petits, qu’on a offerts ou lus à nos enfants, et qu’on a pris un plaisir fou à relire, nous qui avons gardé nos âmes de
young adults. D. C.