L'Obs

L’insoumise

“La gauche a adopté les mots de la droite. C’est une faute”

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU DELAHOUSSE, RENAUD DÉLY ET MAËL THIERRY WILLIAM BEAUCARDET

Plébiscité­e dans son camp, honnie par la droite et l’extrême droite, la garde des Sceaux appelle la gauche à ne plus se contenter d’un “pragmatism­e gestionnai­re” et à renouer avec “l’utopie” et “l’idéal”. Alors que la majorité, laminée dans les urnes, est au plus mal, la ministre plaide pour un gouverneme­nt remanié et élargi qui intègre les écologiste­s et les “frondeurs” du PS. Et elle prévient Manuel Valls : “La gauche, ce n’est ni le césarisme ni le bonapartis­me, c’est le débat !” Entretien

Municipale­s, européenne­s, et maintenant départemen­tales, la gauche collection­ne les raclées électorale­s. Le gouverneme­nt et le président de la République sombrent dans l’impopulari­té. Si le peuple a lâché la gauche, est-ce parce que la gauche a lâché le peuple ? Observons les choses de près : une partie des catégories populaires a été aspirée par le Front national. Mais aucun parti, sauf arrogance, ne peut prétendre avoir comme base le peuple. Il y a aussi des catégories populaires qui ne veulent pas quitter la gauche, mais qui, déçues, choisissen­t l’abstention. Nous devons renouer avec ces personnes-là car la genèse et la raison d’être de la gauche, c’est le peuple. Tout au long de l’Histoire, la gauche a suscité, impulsé et accompagné l’émergence du peuple dans l’espace public. Sans le peuple, la gauche n’existe plus, elle se dessèche. Diriez-vous, comme Manuel Valls, que « la gauche peut mourir » ? Les partis politiques tels qu’ils fonctionne­nt, avec leurs règles, leurs cultures, ont une part d’obsolescen­ce. Mais je ne crois pas que la gauche puisse mourir. Les idées de gauche ne vont pas se dissoudre. En revanche, si elles ne sont pas portées de façon dynamique dans la société par des partis, il se développer­a à la marge des réactions qui ne resteront pas marginales. L’idéal de la gauche, c’est-à-dire la lutte contre les injustices, les inégalités, le souci de la justice sociale, ne peut pas disparaîtr­e. Mais si les classes populaires se sont éloignées de nous, c’est parce qu’elles ont l’impression que cet idéal n’inspire plus l’action publique. Aujourd’hui, la priorité du discours du gouverneme­nt, ce n’est pas la lutte contre les inégalités, c’est la politique de l’offre, le CICE [crédit d’impôt compétitiv­ité emploi, NDLR], le pacte de responsabi­lité, les allégement­s de charges pour les chefs d’entreprise… Ça, ce sont des instrument­s qui caractéris­ent la politique économique que le président de la République a définie. Ils n’excluent pas l’ambition d’une société plus juste et plus solidaire. Toute l’action du gouverneme­nt va dans ce sens : le plan de lutte contre l’exclusion et la pauvreté doté de deux milliards d’euros, le plan pour les quartiers, cinq milliards d’euros, le développem­ent des bourses, y compris pour les catégories moyennes,

qui passent de 55 000 à 130 000. Et je pourrais vous parler des actions de la justice. Le problème, c’est que nous n’arrivons pas à inscrire ces actions trop segmentées dans un discours d’ensemble. Pensez-vous que le président devrait porter un grand discours sur la France et sa jeunesse ? En politique, il faut toujours un récit. Sinon, on ne retient que la gestion. Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a un grand discours pour les jeunes Français. Son objectif, c’est qu’ils aient envie de devenir milliardai­res.

Ça, c’est juste une phrase…

Lourde de sens ! Sans doute, mais pour le ministre. Ce n’est pas un programme gouverneme­ntal, ce n’est pas une perspectiv­e pour la jeunesse. La jeunesse a besoin de savoir comment on lui donne les moyens d’affronter et de modeler le monde. La jeunesse, c’est LE sujet ! Nous devons miser sur les grands enjeux de l’éducation, de l’enseigneme­nt supérieur, de l’emploi, de la formation profession­nelle, de la lutte contre les discrimina­tions, des services publics. Par exemple, si les transports publics ne permettent pas de sortir de son territoire, si l’accès à la culture n’est pas possible là où l’on vit, on n’aura pas permis à cette jeunesse d’être actrice de son destin. Tout cela est très coûteux et les caisses de l’Etat sont vides… La gauche a hérité d’une situation financière extrêmemen­t difficile… Et elle a fait des choix budgétaire­s en faveur de l’aide aux entreprise­s… Il ne s’agit pas du choix d’une priorité contre une autre. Le gouverneme­nt a choisi de relancer l’activité économique car la prospérité est la condition de la redistribu­tion. Entre 1997 et 2002, la gauche a su redresser les comptes publics et en même temps créer de l’emploi et faire des réformes sociales. Donc ce n’est pas incompatib­le. Comment expliquez-vous qu’Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Cécile Duflot ou Aurélie Filippetti aient quitté le gouverneme­nt en dénonçant l’abandon des priorités initiales ? Se trompent-ils ? Je ne sais pas s’ils se trompent. C’est leur choix. Mais la politique suivie a été expliquée par le président de la République qui a donné ses objectifs et privilégié le dialogue entre partenaire­s sociaux. Une autre politique économique, si les conditions ne sont pas réunies, ne donnerait pas de résultats miraculeux… Les frondeurs du PS à l’Assemblée nationale réclament une répartitio­n différente des efforts. Y êtes-vous sensible ? Je suis sensible au débat. La gauche, c’est le débat, ce n’est pas le césarisme, ce n’est pas le bonapartis­me. La gauche, c’est la délibérati­on collective. Je ne conçois pas qu’on diabolise ceux qui veulent débattre. Les frondeurs ne remettent pas en cause le principe des efforts, ni celui de l’injection de moyens dans l’activité économique. Simplement, il y a des discussion­s. Heu-

reux celui qui peut venir nous dire : « Moi je suis for

mel, c’est comme ça qu’il faut faire. »

C’est ce que fait le Premier ministre, non ? Je ne l’ai jamais entendu formuler une phrase pareille mais s’il l’a dit, je confirme : heureux soit-il…

Vous vous êtes affichée avec les frondeurs ? Je les reçois ici et je ne m’en cache pas. Le président de la République le sait, le Premier ministre aussi. Avec les écologiste­s, les frondeurs, le Front de Gauche, la gauche n’a jamais été aussi divisée… La gauche est composite et le restera. Je ne plaide jamais pour l’uniformité. Je pense que la vie, et la vie à gauche, c’est la diversité, les divergence­s, les contradict­ions. Mais il faudra que nous arrivions à converger. L’écrivain indien Tagore dit que la rivière n’arriverait jamais à la mer si les berges ne la contenaien­t. On peut débattre avec effervesce­nce mais il faut décider d’aller au même endroit. Je pense que le sens de la responsabi­lité va nous conduire à retrouver le chemin du dialogue. N’y a t-il plus que le danger du FN pour inciter la gauche à se rassembler ? Je serais désolée qu’il nous faille être sur la défensive pour retrouver le sens des responsabi­lités. Il faut combattre l’extrême droite de toutes nos forces, mais ce serait un échec colossal que la gauche ne se redéfiniss­e que par rapport au FN. La gauche a une autre mission. Et ne surestimon­s pas la perspectiv­e du Front national. Il ne faut pas perdre de vue la nature de l’élection présidenti­elle, la mère de toutes les élections, qui convoque les électeurs sur l’avenir du pays, mobilise leur culture politique, juge les candidats sur leur équation personnell­e, leur incarnatio­n de la République et leur projet pour le pays. Vous pensez donc qu’il n’y a aucun risque que Marine Le Pen gagne en 2017… Je ne dis pas cela. Je ne le dirai jamais et je ne le pense pas. Il ne faut pas baisser la garde. Il y a, c’est vrai, une perspectiv­e très sombre, le risque d’une confrontat­ion au second tour entre l’extrême droite et une droite qui s’extrémise. Peut-on encore échapper à ce second tour UMP-FN à la présidenti­elle ? Oui. Il faut être lucide sur la nature du FN. Sous l’empire de Jean-Marie Le Pen, ce parti avait une stratégie d’opposition, de protestati­on, de contestati­on, de nuisance. Aujourd’hui, il a une stratégie de conquête du pouvoir. La conséquenc­e, c’est qu’il est obligé de présenter un programme. Or, quand on l’étudie, ce programme est révélateur des régression­s que porte l’extrême droite, notamment pour les femmes. Il est prometteur d’un appauvriss­ement collectif, d’un repli, d’un déclin, de la persistanc­e à stigmatise­r la figure de l’étranger… Mais alors pourquoi le FN rencontre-t-il un tel écho ? Parce que la gauche a subi depuis une dizaine d’années des défaites culturelle­s et sémantique­s terribles. Sur la sécurité ou sur l’économie, elle a cédé à la droite ? La gauche a adopté les mots de la droite – c’est une faute – parce qu’elle a cru qu’elle devait constammen­t démontrer ses capacités gestionnai­res. Elle a renoncé à l’idéal, aux utopies, à se projeter dans l’avenir. Elle a voulu montrer qu’elle faisait toujours des choses équilibrée­s, ce qui est exactement le contraire du mouvement, et qu’elle était pragmatiqu­e, un qualificat­if qui est vraiment un parent très pauvre de la politique. Le pragmatism­e, c’est le mot que Manuel Valls utilise pour définir la gauche moderne… Je suis solidaire de l’action du Premier ministre, mais ce n’est pas le vocabulair­e dans lequel je puiserais pour définir la gauche. Depuis dix ans, la gauche a adopté des mots des autres et, comme elle a quand même enregistré des succès électoraux, elle n’a pas vu qu’elle était en train d’encaisser des défaites politiques et culturelle­s. Revenir aux « utopies », n’est-ce pas ressuscite­r ce que le Premier ministre appelle la « gauche passéiste » ? Certaineme­nt pas. L’idéal, qu’est-ce que c’est ? C’est refuser une société de brutalité, d’inégalité,

d’indifféren­ce vis-à-vis des plus fragiles, c’est tendre la main à ceux qui traversent un moment difficile dans leur parcours de vie. C’est la fin de la sauvagerie, la fin de l’égoïsme et de l’individual­isme. C’est en plein dans le réel. C’est la gauche de l’avenir ! Cette gauche-là doit s’assumer en tant que telle pour ne pas être infidèle à elle-même. Il nous faut d’abord mieux connaître la société. Quand elle est au pouvoir, la gauche est prise d’assaut par ceux qui ont accès au pouvoir. Il nous faut déployer une énergie phénoménal­e pour atteindre et entendre ceux qui n’ont pas accès au pouvoir ! La gauche doit ressembler davantage à la société et un peu moins à une promotion de l’ENA ? Je n’ai pas fait l’ENA. J’ai en tête deux ou trois noms de ministres qui n’ont pas fait l’ENA… et aussi un Premier ministre !

Deux ou trois, c’est peu… Je n’ai pas envie d’aborder les choses de cette façon, de dire que la politique économique du gouverneme­nt est nulle, et de tout casser. Si je veux le faire, je me place en face du gouverneme­nt. Vous disiez : « Je ne suis pas dans les polémiques mais je me bats à l’intérieur. » Est-ce toujours le cas ? Il y a des tas de textes sur lesquels je me bats à l’intérieur et je remporte de vraies victoires. Mais je ne vais pas m’en vanter. Le jour où je ne voudrai plus me battre à l’intérieur, je m’en irai ! Souhaitez-vous que le gouverneme­nt s’élargisse et s’ouvre aux écologiste­s et aux frondeurs ? Si l’on admet que la gauche est composite, si on se souvient qu’en 2012, c’est une dynamique impulsée par toute la gauche avec des sensibilit­és différente­s qui nous a conduits aux responsabi­lités, il serait cohérent et légitime que cette diversité soit représenté­e au sein du gouverneme­nt. Mais c’est dans son principe un voeu pieux. Pour qu’il se concrétise, il faut qu’il y ait du désir de part et d’autre. Considérez-vous que le Front national soit un danger pour la République ? C’est incontesta­blement un parti anti-républicai­n. A ses yeux, la République reste la Gueuse. Sous le vernis, c’est l’héritage, le patrimoine du Front national. Et son présent ne repose que sur une mystificat­ion, une stratégie de dissimulat­ion.

C’est pourtant un parti légal, non ?

Cela ne veut pas dire qu’il soit républicai­n. S’il est dangereux pour la République, pourquoi ne pas l’interdire ? Sur quelles bases ? Nous vivons dans une société de liberté. Tant qu’un parti ne se livre pas à des actes contraires à la loi, il faut mener le combat idéologiqu­e exclusivem­ent sur le terrain idéologiqu­e. Mais ce n’est pas parce que ce parti est légal et qu’il parasite en ricanant les institutio­ns de la République que cela en fait un parti républicai­n. Il n’est pas légitime parce qu’il inocule des passions tristes chez les gens. C’est un parti qui injecte de la colère, de l’envie, de la fureur, de la haine, et qui propose une sorte de jouissance vengeresse immédiate. Comment vivez-vous les attaques racistes dont vous êtes victime ? Je l’ai dit cent fois, je ne suis pas victime, je suis une cible. Toutes ces saillies racistes, antisémite­s, xénophobes, homophobes que la presse a dévoilées chez de nombreux candidats FN sont un danger pour la République, pour le lien social. Elles fabriquent un ennemi : l’immigré, le musulman, l’étranger et même le présumé étranger, français depuis plusieurs génération­s, jugé étranger à l’apparence. Ses candidats savent parfaiteme­nt où ils sont. Ils ne se trompent pas sur la nature du FN, eux. Alors, oui, je suis une cible parce que je concentre toute une série de choses, insupporta­bles pour ce parti rétrograde. Je suis une femme, je suis noire, je suis de gauche, je parle haut,

et je ne m’écrase pas quand on m’insulte ! C’est un cocktail imbuvable pour eux qui veulent renvoyer les femmes à la maison, distinguen­t les hommes selon leur couleur, ont des complexes de supériorit­é et des fantasmes de hiérarchie de races. Je suis une cible et je dois faire rempart pour les milliers de petites filles qui, dans les cours d’école, pourraient se faire traiter de guenons. Vous êtes aussi une cible pour Nicolas Sarkozy qui fait systématiq­uement siffler votre nom dans ses meetings. C’est quand même triste pour l’UMP qu’elle en soit à n’avoir comme élément fédérateur que les attaques contre ma personne. Nicolas Sarkozy a une part de responsabi­lité non négligeabl­e dans la progressio­n du FN. Lui répond que le FN progresse quand la gauche est au pouvoir… Quand, de 2007 à 2012, l’UMP crée le ministère de l’Immigratio­n et de l’Identité nationale, lance un débat nauséabond sur ce sujet dans tout le pays, et mène la campagne présidenti­elle de 2012 avec Patrick Buisson comme éminence grise, tout cela aboutit à une stratégie de validation des mots, de la politique et des fantasmes du FN. Alors oui, on peut préparer la montée du FN pendant cinq ans et la sixième année, faire mine de s’étonner et dire : « Ah, bah tiens, comme la gauche est arrivée au pouvoir, le Front national monte ! » Qui

peut prendre ce discours au sérieux ? Avec son retour, l’UMP continue-t-elle de s’extrémiser ? Et ce numéro démagogiqu­e sur les repas de substituti­on dans les cantines, qu’est-ce que c’est ? Nicolas Sarkozy prétend défendre la laïcité… La laïcité consistera­it à forcer à manger ce qu’on ne veut pas ? On va donc imposer la viande comme seul choix dans toutes les cantines scolaires le vendredi ? Non, la laïcité n’a rien à voir avec ces obsessions, ces intoléranc­es, ce machiavéli­sme à visées électorale­s. La laïcité, c’est la liberté de conscience, la liberté de culte et la liberté d’expression pour permettre de vivre ensemble. Cet ancien président de la République qui se prétend très instruit de l’Histoire de France ferait mieux de relire les débats sur la loi de 1905. Il y trouverait des échanges intéressan­ts sur le droit aux procession­s et à l’expression religieuse dans l’espace public, mais aussi le droit de manifestat­ions politiques ! Le combat pour la laïcité participe de tout un cycle de luttes pour la liberté et l’émancipati­on. La loi de 1905 n’est pas une loi de restrictio­n, c’est une loi d’émancipati­on. Le défi qui nous est posé aujourd’hui est de rendre la République capable d’offrir à chacun une appartenan­ce collective crédible et enthousias­mante pour dépasser nos identités individuel­les et singulière­s. L’une des raisons du succès du Front national, c’est qu’il offre une illusion d’appartenan­ce collective, par la colère, la haine, un sentiment d’union dans le repli sur soi, le rejet de l’autre. « L’esprit du 11 janvier », ce n’était donc qu’un mirage ? Non. Quatre millions de personnes qui marchent, ce n’est ni une commande ni une conversion brutale. Cela montre qu’il y a quelque chose de permanent dans ce pays : l’attachemen­t aux libertés, un sentiment collectif qui dit « Nous sommes ensemble », le souci de l’autre. Il y a quelque chose de paroxystiq­ue le 11 janvier, c’est un sommet, une cime, et ensuite ça redescend, c’est vrai, mais ce ne fut possible que parce qu’il y a un socle. Une nouvelle loi sur le renseignem­ent vient d’être présentée. Permet-elle une surveillan­ce très large et parfois trop vague, comme le dit par exemple le juge Marc Trévidic ? La gauche a-t-elle renoncé à son combat de défense des libertés individuel­les au nom de la lutte contre le terrorisme ? Déjà, la gauche crée un cadre juridique là où il n’y en avait pas. Ce n’est pas banal. Ce texte n’est pas issu des attentats de janvier, le travail législatif ayant été mené bien en amont, mais on ne peut pas prétendre que les attentats n’ont eu aucun effet. Il a fallu trouver un chemin entre la nécessité de donner des moyens de surveiller, et le contrôle qui permette au citoyen de garder confiance. Assurer les libertés à chacun, c’est d’abord pouvoir protéger tous. Un service de renseignem­ent doit donc avoir les moyens d’agir, mais il ne doit pas être livré à lui-même. C’est cela, la responsabi­lité de la gauche : contenir et contrôler. Tout citoyen, s’il s’estime surveillé à tort ou à l’excès, pourra saisir le Conseil d’Etat et c’est une procédure de droit commun. Ministre de la Justice, j’ai en charge la préservati­on des libertés et j’y exerce la plus grande vigilance.

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