L'Obs

Quand la Chine s’automatise­ra…

- DE NOTRE CORRESPOND­ANTE EN CHINE, URSULA GAUTHIER

En 2011 déjà, Terry Gou, le patron de Foxconn (photo), annonçait qu’il allait remplacer en trois ans un million de ses petites mains par des robots. Un million, c’est la quasi-totalité de la main-d’oeuvre employée en Chine par le célèbre Taïwanais pour fabriquer les produits Apple et autres joujoux high-tech ! Depuis, des milliers de « bras robotisés », baptisés « Foxbots », ont en effet fait leur apparition sur les chaînes du groupe. Mais au rythme actuel de 30 000 par an, le million ne sera atteint qu’en… 2045 ! En attendant, quand il a fallu produire en masse les premiers iPhone 6 l’an dernier, Foxconn s’est rabattu sur la méthode habituelle : l’embauche de 100 000 humains. Car les « Foxbots » – qui coûtent environ 20 000 euros pièce – sont loin de donner satisfacti­on. Dérivés de la constructi­on automobile, ils n’ont encore ni la flexibilit­é ni la précision suffisante pour le high-tech. D’autant que l’enseigne à la pomme exige une mise en place de ses minuscules pièces à 0,2 mm près, l’épaisseur d’un cheveu. Alors que les « Foxbots », eux, ne peuvent faire mieux que 0,5 mm… Du coup, les voilà relégués à des tâches subalterne­s, comme poser des vis ou finir le polissage. Terry Gou ne se déclare pas vaincu. Toujours aussi hyperboliq­ue, il a récemment évoqué une usine située à Chengdu, entièremen­t robotisée, capable de fonctionne­r nuit et jour toutes lumières éteintes. Pour produire quoi ? Avec quel type de robots ? Foxconn serait en train de développer une deuxième génération, plus évoluée, de bras articulés, dotés cette fois de véritables mains à doigts multiples. Mais elle ne sera sans doute pas prête avant des années. La Chine, en tout cas, pousse énergiquem­ent à la robotisati­on de ses usines. Résultat de la politique de l’enfant unique, le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail ne cesse de baisser depuis 2008. Terminé, le réservoir sans fond de mingong dociles, acceptant de trimer pour des salaires de misère. Les fabricants sont désormais confrontés à la raréfactio­n de la main-d’oeuvre, à son instabilit­é (le turnover est affolant), aux conflits, aux revendicat­ions et aux grèves… Pour provoquer une montée en gamme de la production, Pékin a relevé considérab­lement le salaire minimum : dans certaines régions il a quasiment doublé en cinq ans. Tandis que le coût des machines suit le chemin inverse : un robot, qui revenait en 2003 2,5 fois plus cher qu’un ouvrier, est aujourd’hui à parité… voire un peu moins coûteux.

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