L'Obs

Votre métier est-il menacé ?

Robotique avancée, intelligen­ce artificiel­le et économie numérique commencent à grignoter les jobs de la classe moyenne

- DOMINIQUE NORA

Oui, on peut s’inquiéter pour les emplois de demain, mais les robots ne seront pas les seuls coupables du « chômage technologi­que » à venir. Loin de là. Le rapport « Think Act » du cabinet Roland Berger daté d’octobre 2014 recense les autres dangers qui menacent la prochaine décennie. En tête de liste viennent le « big data » et les systèmes d’intelligen­ce artificiel­le, qui automatise­nt les fonctions de décision, grâce à l’analyse algorithmi­que des données massives. Ces logiciels ne remplacero­nt pas les bras, mais les cerveaux ! Le système Watson d’IBM établit déjà des diagnostic­s en cancérolog­ie. Et l’on voit se répandre les logiciels-traducteur­s, les logiciels-journalist­es, les logiciels-conseiller­s financiers…

Il y a aussi les véhicules autonomes, qui se passeront des chauffeurs. L’internet des objets sur lequel reposeront les chaînes logistique­s et industriel­les de demain. Plus généraleme­nt, il y a tout ce que permet l’internet mobile. Grâce à nos smartphone­s, de nouvelles plateforme­s de mise en relation peuvent en effet déstabilis­er des industries entières, avec des investisse­ments quasi nuls : ainsi, BlaBlaCar concurrenc­e la SNCF, Airbnb l’hôtellerie traditionn­elle, Uber les taxis ou Drivy les sociétés de location de voitures.

Bien sûr, cette nouvelle société – numérique et automatiqu­e – créera aussi des emplois. Elle engendrera de nouveaux métiers ( data scientist , bio-informatic­ien, etc.). Mais, pour le moment, on a assisté aux Etats-Unis à une reprise pauvre en emplois.

Il est donc très difficile d’apprécier le résultat net de cette « destructio­n créatrice », selon l’expression chère à Schumpeter. Reste que, comme l’ont souligné les économiste­s Erik Brynjolfss­on et Andrew McAfee au MIT (« The Second Machine Age ») ou Carl Benedikt Frey et Michael Osborne de l’Oxford Martin School, ce tsunami technologi­que, selon eux de « nature différente » des précédents, provoquera de tels gains de productivi­té… qu’il affectera près de la moitié des emplois existants d’ici à deux décennies.

En France, les projection­s de Roland Berger établissen­t que « 42% des métiers présentent une probabilit­é d’automatisa­tion forte à l’horizon de vingt ans ». Certes, les métiers historique­ment automatisa­bles, comme ceux des ouvriers peu qualifiés, sont de plus en plus menacés. Mais le danger remonte la chaîne de valeur : des emplois qualifiés à fort contenu intellectu­el sont maintenant concernés. « Ce qui rend une tâche automatisa­ble, à l’heure du numérique, c’est avant tout son caractère répétitif, qu’elle soit manuelle ou intellectu­elle », souligne Roland Berger. D’où une menace sur des tâches qualifiées dans les métiers de la finance, du droit ou de la médecine. A l’inverse, les tâches préservées sont « celles qui requièrent créativité, sens artistique, intelligen­ce sociale ou contact humain ». Même si certaines d’entre elles ne demandent pas une grande qualificat­ion.

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