L'Obs

Il y a tout de même une accélérati­on de ces technologi­es, dans tous les secteurs. Aura-t-on vraiment le temps de s’y ajuster ?

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B. Stiegler L’accélérati­on, qui est déjà foudroyant­e, va considérab­lement s’intensifie­r. Et dans la course sans fin à la compétitiv­ité, le tabou sur l’éliminatio­n des emplois va sauter. Réduire les effectifs deviendra la norme. Les grandes plateforme­s du web et leur économie des data bouleverse­nt déjà des pans entiers d’activité : la librairie, l’édition, l’hôtellerie, la finance, le commerce, etc. R. Rivaton Mais ces systèmes experts et ces robots avancés ne sont pas autonomes ; ils sont associés à des activités humaines. Penser que les automates vont, du jour au lendemain, remplacer les humains relève du fantasme. Les commerçant­s comme Nespresso ou Mizuno, qui utilisent des robots Pepper pour accueillir leurs clients, ne suppriment pas pour autant leurs vendeurs. Amazon a automatisé ses entrepôts, mais continue à augmenter ses effectifs. L’intelligen­ce artificiel­le Watson d’IBM a permis à des développeu­rs indépendan­ts de créer 6 000 applicatio­ns. C’est de l’emploi… Peut-on freiner l’avancée du progrès technologi­que pour mieux gérer la transition ? R. Rivaton Je ne pense pas qu’on pourra ralentir le phénomène, car la mondialisa­tion a mis tout le monde sur la même frontière technologi­que. Fini l’époque où on allait aux Etats-Unis découvrir l’ordinateur qui sortira dans dix-huit mois ! Si on entrave le mouvement en France, on le paiera d’ailleurs encore plus cher en termes d’emploi. Je vois mal comment des ouvriers français seraient compétitif­s contre des robotsouvr­iers de pays concurrent­s ! B. Stiegler La question est la production de valeur et la redistribu­tion de pouvoir d’achat hors salaire. Il faut utiliser les gains de productivi­té dégagés par l’automatisa­tion pour réinvestir dans les savoirs, ce qu’Amartya Sen appelle la « capacitati­on » . Nous devons passer d’une économie consuméris­te à une « économie de contributi­on ». Le problème est qu’en utilisant Facebook, Google, Amazon, les 2,5 milliards d’humains connectés deviennent producteur­s de données, qui se

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