L'Obs

Vargas chez Robespierr­e

Le commissair­e Adamsberg revient avec un triple meurtre sur les bras. Heureuseme­nt, Fred Vargas tire les fi celles

- ANNE CRIGNON

Page 314, le commissair­e Adamsberg est adossé à un mur, l’index étrangemen­t tendu. A son inspecteur intrigué de voir le boss tenir ainsi conférence le doigt en l’air, il explique qu’il dépanne une mouche, tombée dans un fond de porto. Le sauvetage d’un diptère au bord de la noyade : digression classique dans un roman de Fred Vargas. La dernière fois, dans « l’Armée furieuse », en 2011, Adamsberg avait trouvé devant son commissari­at un pigeon aux pattes entravées, ce classique de la cruauté ordinaire. Après avoir minutieuse­ment ôté les fi ls à l’aide de ciseaux minuscules, notre héros roulait à travers la campagne, son protégé à plumes en convalesce­nce dans une boîte à chaussures, à l’arrière de la voiture. Doté de cette intelligen­ce paradoxale qui peut passer pour de la simplicité d’esprit, mais qui traduit surtout une hauteur de vue hors du commun, Jean-Baptiste Adamsberg est de retour, pour la dixième fois dans un roman de Fred Vargas, comme toujours fl anqué de ses adjoints Danglard et Veyrenc, et de la solide Violette Retancourt, 1,84 mètre, 110 kilos de possibilit­és de leur sauver la vie à tous, ce qui ne devrait pas manquer d’arriver très vite.

C’est classiquem­ent par trois meurtres que démarre l’histoire. Le premier, dans une baignoire, pourrait être un suicide si le tueur, pris de vertige mégalomane, ne signait chaque fois son oeuvre en gri onnant une guillotine sur la scène du crime. Ceci va mener l’équipe à infi ltrer une bien étrange associatio­n, férue des écrits de Maximilien de Robespierr­e. Une société secrète emperruqué­e, costumée qui, chaque lundi soir dans une halle de Saint-Ouen, rejoue mot pour mot, sous les visages étonnammen­t ressemblan­ts de Danton, Saint-Just, Camille Desmoulins et autre Fouché, les séances de l’Assemblée nationale sous la Révolution. Autre piste : les trois morts se sont connus lors d’une expédition sur les glaces islandaise­s, dix ans plus tôt, laquelle a tourné au drame sous un brouillard mortel et ne semble pas avoir livré son abject secret. A partir de là, Fred Vargas déroule une intrigue qui envoûte, déroute, et comme à l’accoutumée relâche son lecteur à l’issue de 500 pages qu’il n’a pas vues se tourner.

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