D’Ormesson dans la Pléiade
Alors qu’il va avoir 90 ans en juin, l’auteur de “la Gloire de l’Empire” entre dans la plus prestigieuse des collections, tandis qu’un pamphlet appelle à le “gifler”. Débat
Il jubile. L’académicien vient d’apprendre par Antoine Gallimard qu’il figurera, dans l’ordre de parution des volumes de la plus prestigieuse collection de littérature au monde, entre Mark Twain et Casanova. Jean d’Ormesson n’est-il pas intimidé de se retrouver dans l’illustre compagnie de Diderot ou de Voltaire ? « Je ne veux pas cracher dans la soupe,
dit-il, mais l’Académie, ce n’est pas formidable sur le plan littéraire. La Pléiade, c’est autre chose. Bien sûr, c’est affolant de se dire qu’on va siéger avec Balzac ou Stendhal. »
Tout de même, ça ne le choque pas : « Moi, je suis enchanté que Modiano ait eu le Nobel et j’aime beaucoup Le Clézio. Je ne suis pas jaloux, mais je me dis : la Pléiade, c’est mon Nobel à moi. »
Contrairement à l’Académie, où l’on peut briguer un fauteuil toute une vie, l’entrée de « Jean d’O » dans la Pléiade a pris une minute trente – le temps de passer voir Antoine Gallimard, après que celui-ci eut manifesté le désir de le voir. « Je ne savais pas ce qu’il me voulait. Je vais dans son bureau, il me dit : “J’ai pensé à vous pour la Pléiade.” J’étais tellement stupéfait que je n’ai su dire que : “Ah merci, merci beaucoup.” Et je suis parti. » Il est vrai que, entre les Gallimard et d’Ormesson, c’est une vieille histoire. « Mes premiers livres n’avaient pas marché. J’avais écrit “Au revoir et merci”, un véritable adieu à la littérature. Je fréquentais des scientifiques à l’Unesco, je me passionnais pour les sciences humaines. Et j’ai écrit “la Gloire de l’Empire” [1971] , 600 pages qui se situaient entre la thèse et le canular. Bernard Privat, chez Grasset, l’avait refusé. Alors je l’avais porté à Caillois chez Gallimard. 300 000 exemplaires. C’est grâce à ce succès que je suis entré à l’Académie, puis au “Figaro”, puis au comité de lecture de Gallimard. »
La boucle est donc bouclée, avec ce volume de quatre romans : « Au revoir et merci », « la Gloire de l’Empire », « Au plaisir de Dieu » et « Histoire du Juif errant ». Un parcours qui fait redécouvrir les livres qui l’ont rendu populaire, et dont son ami Marc Fumaroli, autre mousquetaire de la préciosité, signe la préface. A l’en croire, Jean d’Ormesson tiendrait d’ailleurs moins de l’écrivain français que du gymnaste roumain, capable des plus invraisemblables grands écarts : à la fois « Fregoli du
pastiche et de la dérision », héritier provocateur des « Hussards », mais aussi compagnon de route (pour au moins sa « Gloire de l’Empire ») des ténors de l’Oulipo, sans oublier le classique prosateur à la Chateaubriand. En somme, d’Ormesson serait parmi les plus doués de sa génération, « peut-être le plus virtuose d’entre eux ».
On applaudirait donc des deux mains si quelques mauvais camarades, dans la cour de récré germanopratine, n’avaient crié au scandale. Ce n’est pas tout à
Né le 16 juin 1925 à Paris, Jean d’Ormesson est écrivain et journaliste. Il est membre de l’Académie française (fauteuil 12). Il est l’auteur de nombreux livres, dont le premier, « L’amour est un plaisir », est paru en 1956.