Hillary, c’est parti !
Avant même d’annoncer sa candidature, l’ex-First Lady est donnée favorite de la présidentielle de 2016. Il y a huit ans, lors de la primaire démocrate face à Obama, les Américains l’avaient trouvé lointaine, froide, inauthentique. Cette fois, elle va dev
L’électeur américain est comme l’ours sibérien : il hiberne. Tous les quatre ans, pour peu qu’il n’oublie pas de se réveiller, il s’ébroue, sort de sa tanière et choisit son président. Quand il dort, ses ronflements couvrent le vacarme des chaînes d’info. Le buzz politique, il s’en fiche. L’acharnement de la droite contre Hillary Clinton, depuis l’enquête sur l’assassinat du consul américain à Benghazi jusqu’aux finances de la Fondation Clinton, en passant par l’ emailgate , la messagerie privée qu’elle utilisait comme secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères)… Tout cela lui rentre par une oreille et sort par l’autre. L’électeur américain est omnivore mais n’avale pas tout ce qu’on lui sert. Il va à l’essentiel. Au moment de voter, le 8 novembre 2016 ou quelques semaines avant, il contemplera d’un oeil frais les candidats. Il regardera Hillary Clinton. Il se dira : elle a de l’expérience. C’est une femme. C’est son tour. One, two, three , aussi simple que cela. L’électeur américain votera, puis se recouchera.
Inévitable. Superstar. Hyperfavorite. De combien d’années faut-il remonter dans le passé avant de trouver un futur président aussi bien placé pour l’emporter ? Plus de soixante, avec la campagne d’Eisenhower en 1952. Lors de son premier essai, en 2008, Hillary était partie en tête, comme le lièvre de la fable avant de repérer bien trop tard, dans son rétro, un certain Barack Obama. Cette fois, plus question de se laisser surprendre. A la veille d’annoncer sa candidature et d’inaugurer son QG de campagne de Brooklyn, elle n’a rien laissé au hasard. Elle a tout pour elle, le souvenir nostalgique des « années Bill », quand son mari régnait sur un pays prospère, la notoriété, l’expérience, la compétence, l’envie pour beaucoup d’Américains d’élire une femme, la mauvaise conscience de certains de lui avoir préféré un inconnu en 2008, les centaines de millions de dollars qu’elle récoltera sans problème, son organisation en béton, des rivaux démocrates lilliputiens, des adversaires républicains sexy comme des troncs d’arbre… Tout ! Les femmes la plébiscitent : 56% ont d’elle une opinion favorable, selon un récent sondage Gallup. Un chiffre qui grimpe à 83% chez les sympathisantes démocrates.
Tout, et rien. Les cimetières sont jonchés de favoris éphémères. Reprenez les chiffres à la loupe, et le suspense
CORBIS revient au galop. Toutes populations confon-
dues, sa cote de popularité est « sous la barre des 50%,
ce qui n’a rien d’exceptionnel pour la présidentielle » , notait récemment Nate Cohn dans le « New York Times », qui ajoutait : « Elle pourrait facilement
perdre. » Début mars, un frisson glacé a parcouru les rangs démocrates avec l’ emailgate . Ses justifications ont été tardives, légalistes, peu convaincantes. Au détour d’une conférence de presse, l’Amérique a soudain redécouvert une Hillary embourbée dans son passé, dans un CV politique unique – First Lady, sénatrice, candidate à la présidentielle, secrétaire d’Etat
– mais parfois lourd à porter. « Vous êtes encore sur le
tarmac mais nous souffrons déjà du jetlag » , lui a balancé Maureen Dowd, l’éditorialiste du « New York Times » qui déteste les Clinton. Vingt mois, en politique, c’est une éternité. Encore quelques couacs de ce type et Hillary Clinton pourra remballer son rêve de devenir la première présidente des Etats-Unis.
Elle va devoir se représenter aux Américains. Une campagne présidentielle est une histoire que l’on vend aux électeurs, et la sienne a évolué. Elle n’est plus la « femme de » qu’elle était encore il y a sept ans. Avec l’âge, Bill a ralenti le pas, il est devenu dur d’oreille et ne se voit plus en haut de l’affiche. Elle, de son côté, a tiré les leçons de l’humiliation de 2008. Beaucoup l’avaient alors trouvée lointaine, scotchée à son script, inauthentique, sans convictions réelles ni charisme. Son vrai péché, en réalité, avait surtout été de nommer les mauvaises personnes aux mauvaises places pour sa campagne. Quand ses proches l’avaient alertée sur « l’arrogance au sommet » de son organisation, elle ne les avait pas entendus. Démolie par Obama, elle s’est relevée à une vitesse stupéfiante en acceptant de diriger sa diplomatie. Elle a visité les pays (112), enquillé les kilomètres (1,4 million), rencontré des dizaines et des dizaines d’ONG défendant les droits des femmes et des minorités… L’infatigable
Madam Secretary a épuisé son entourage, se gobergeant de piments forts pour tenir le coup. Et elle s’est détendue, même avec les journalistes qui l’accompagnaient. « Elle aimait raconter des blagues , raconte Kim Ghattas, une journaliste de la BBC qui l’a suivie pendant quatre ans avant d’écrire un livre, “The Secretary.” Elle avait parfois un côté un peu espiègle. Un jour, elle nous a raconté comment elle avait appelé par surprise le président bolivien Evo Morales [très
antiaméricain], né comme elle un 26 octobre, pour lui souhaiter bon anniversaire. “Il en est tombé de sa chaise”, a-t-elle dit en éclatant de son gros rire. »