Qu’est-ce qui vous fait penser que Poutine pourrait céder à la pression de la rue ?
Parce qu’il a failli le faire il y a trois ans et demi. Au lendemain des grandes manifs de 2011, il a engagé des discussions avec nous sur une nouvelle loi électorale, plus juste. Mais, dès que le mouvement s’est essou é, il a rompu les pourparlers et a lancé une vague de répression. Il faut donc le contraindre à revenir à la table des négociations. C’est le moment. Il est isolé sur la scène internationale, et le chômage augmente. C’est pourquoi je pense que, si la rue se mobilise, il pourrait accepter de discuter de nouveau. Vous ne rêvez pas un peu ? Il est soutenu par 85% de la population. Les 85% dont tout le monde parle représentent le pourcentage de la population qui, en mars dernier, soutenait sa décision d’annexer la Crimée ! Mais, selon le même sondage, Poutine recueillerait 53% des voix à une élection présidentielle. Cela veut dire que, malgré la propagande o cielle et le boycott de l’opposition par les grands médias, la moitié des Russes ne veulent pas de lui comme président. Et ce sondage date d’avant la guerre en Ukraine et le début de la crise. Pourquoi croyez-vous que le pouvoir fait tout pour cacher que de nombreux soldats russes sont morts dans le Donbass ? Parce que Poutine sait que, si une telle information se di use en Russie, les gens seront plus nombreux encore à se détourner de lui.
L’Occident est-il assez ferme avec lui ? Malgré ce que l’on croit souvent, Poutine n’a pas d’idéologie ni de véritable stratégie. Ce n’est pas Staline. Il n’a pas un but précis, comme celui de reconstituer un grand empire. Mais, si une occasion lui permet d’accroître son pouvoir ou son prestige, il va en profiter. A mon avis, il s’est attaqué à l’Ukraine pour pouvoir négocier le sort de la Crimée avec l’Occident. Mais, comme la réaction de l’Ouest à l’annexion de la presqu’île a été étonnamment modérée, il a décidé de garder le Donbass, pour un temps. Dès qu’il sent une faiblesse, il avance. C’est sa nature. Or, pour l’instant, l’Occident ne lui résiste pas vraiment. A Minsk, lors des négociations sur l’Ukraine avec Merkel et Hollande, il a obtenu ce qu’il voulait, sur le papier. Si ces accords ne sont pas modifiés sur le terrain, sa victoire sera complète. Alors il s’en prendra à la Moldavie. Puis à un pays balte.