L'Obs

Récemment, le sociologue François Dubet disait que la laïcité devenait « une façon de revendique­r une France blanche et chrétienne où tout le monde partage la même culture », soit une manière de dire qu’« on ne veut pas des musulmans ». Qu’en pensez-vous

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P. MANENT François Dubet sous-estime, j’en ai peur, l’étendue et la profondeur du trouble qui traverse notre pays. La crainte de la fragmentat­ion de la France ou de l’e lochage du vivre ensemble n’est pas éprouvée simplement par les paroissien­s de Saint-Philippe-du-Roule! C’est un sentiment très répandu, y compris dans les population­s récemment citoyennes. Que, par ailleurs, certains Français souhaitent préserver ce qui leur paraît des traits caractéris­tiques de la nation française, une sociabilit­é propre à la France, ne me semble ni surprenant ni illégitime. Cependant, les questions qui nous sont posées sont beaucoup plus radicales. Comment l’Europe fait-elle face au déclin de sa puissance et de son influence dans le monde, à son a aiblisseme­nt démographi­que, industriel, militaire et politique, à la perte de légitimité de ses nations, aux transforma­tions qui se déroulent hors de ses frontières, ou au changement de la compositio­n religieuse de ses sociétés ? Ces inquiétude­s nous habitent. Il est naturel que notre pays soit particuliè­rement désorienté, et on comprend qu’il se raccroche rhétorique­ment à ce qu’il juge être un de ses titres de gloire : la laïcité, ou les « valeurs de la République », formule d’autant plus employée qu’elle ne veut rien dire précisémen­t. Ces talismans sont bien incapables désormais de nous o rir la moindre protection ou direction. Encore une fois, la traque des signes religieux dans l’espace public n’e eurera pas la question. Nous n’avons pas besoin de ces « irritants ».

Comment retrouver un sentiment de concorde ? P. MANENT Je n’ai pas l’impression que la France soit une société aussi déchirée qu’on le dit. Le problème vient plutôt de ce que les gens se croisent sans se voir. Nous nous ignorons plus que nous ne nous disputons. Ce qui nous unira c’est la participat­ion e ective de tous les citoyens à la vie nationale. Or cette participat­ion est devenue problémati­que quand chaque groupe se détourne du commun pour réclamer la défense de son pré carré et le ménagement de ses susceptibi­lités. Avons-nous su samment d’énergie pour vouloir que notre pays poursuive son aventure avec de nouveaux participan­ts et dans de nouvelles conditions, ou sommes-nous résignés à vivre séparés et irrités ? MGR MÜLLER En France, il faut surtout faire en sorte que les principes de la révolution « Liberté, Egalité, Fraternité » ne soient pas vécus comme des principes qui excluent, mais comme des principes d’inclusion. Quelle serait donc cette institutio­n qui aurait le pouvoir de définir la laïcité ex nihilo ! Cela ne peut être qu’un consensus de tous les partenaire­s de la société, et non une guerre des uns contre les autres.

Pourriez-vous dire « Je suis Charlie » ? MGR MÜLLER Je suis chrétien! Nous sommes solidaires avec toutes les victimes d’injustice; autre chose est d’approuver ce type de journalism­e. N’oublions pas non plus d’être solidaires avec tous les hommes actuelleme­nt persécutés dans le monde, les chrétiens d’Orient, les Africains, et les musulmans euxmêmes victimes du terrorisme.

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