L'Obs

Les gobe-mouches

Où l’on voit qu’il est des mouches en veux-tu en voilà

- D. D. T.

a nouvelle la plus croustilla­nte de la semaine était la condamnati­on à mort du ministre nordcoréen de la Défense, exécuté au canon anti-aérien pour s’être endormi pendant un discours du dictateur, hélas c’était manifestem­ent une fausse nouvelle. Il manquait la précision qui l’aurait authentifi­ée : si, pour le canon, le ministre avait servi de cible ou servi de munition. C’est le détail qui compte, les croque-morts nordcoréen­s vous le diront, car utilisé comme munition, un homme est perdu pour le commerce. Utilisé comme cible, on peut toujours ramasser trois trucs et raconter à la famille que c’est ce qui reste du défunt. Intéressan­te informatio­n sur le commerce funéraire de ce pays, n’est-ce pas? Seulement, en Corée du Nord, il ne saurait y avoir de commerce pour les croque-morts. En Corée du Nord, les croque-morts sont employés d’Etat. Allez parler de politique étrangère à des ignorants. Ils avalent n’importe quoi.

Crédulité des gens en général. A Panama, par exemple, entré dans l’histoire de France par un beau scandale financier. Voilà qui aurait dû rendre les Panaméens méfiants. Crédules, les Panaméens, à un point qu’on n’imagine pas. Un type se présente à l’élection présidenti­elle. Il a fait fortune dans la grande distributi­on, il est milliardai­re, je suis déjà riche, dit-il aux électeurs, alors vous pensez bien que je serai un président honnête, je n’aurai aucun besoin de détourner votre argent. Les Panaméens l’élisent. Résultat ? Président de 2009 à 2014, on découvre en 2015 que l’argent public s’est volatilisé. Un qui s’est volatilisé aussi, c’est l’ex-président. Je ne vous donne pas son nom, ce n’est pas la peine, il en a sûrement changé.

Question confiance mal placée, les Israéliens ne sont pas les derniers non plus. On renonce à recenser leurs anciens présidents ou anciens ministres qui ont fini en prison mais ce n’était rien : maintenant, ils se choisissen­t des ministres qui en sortent, de prison. Un certain Arye Deri, un nom qu’on dirait le refrain d’une chanson pour enfants. Il a été ministre de l’Intérieur dans un gouverneme­nt antérieur. Il exigeait de tels pots-de-vin qu’il a fait ensuite deux ans de prison. Benjamin Netanyahou vient de le nommer ministre du Commerce. A-t-il raconté aux Israéliens qu’au Commerce il aura moins d’occasions de toucher des pots-de-vin qu’à l’Intérieur ? Je ne sais pas. Il faudrait connaître l’hébreu.

Même le président de la République chinoise ! Xi Jinping. Est-il président, d’ailleurs ? Apprenons à douter. Eh bien, non, il n’est pas président. Il est juste secrétaire. Secrétaire général du Parti communiste chinois. La Chine est-elle une république? Elle est mieux, elle est République populaire. Le président de la République chinoise est en réalité le secrétaire général du Parti communiste chinois de la République populaire de Chine. Communiste pour une part, populaire pour l’autre, les Chinois peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Question tromperie, que pourrait-il leur arriver? Ce n’est pas comme à Panama ou en Israël, ou chez nous. Nous n’avons aucune garantie. En Corée du Nord, ils ont la garantie maximum : leur république n’est pas seulement populaire, elle est démocratiq­ue : République populaire et démocratiq­ue de Corée. Si, avec ça, les Nord-Coréens n’ont pas raison d’avoir confiance… Simple curiosité : leur président est-il secrétaire, comme en Chine ? Il est chef suprême. Kim Jong-un, chef suprême de la République démocratiq­ue et populaire de Corée. Mettons qu’il exécuterai­t tout son gouverneme­nt au canon anti-aérien, ou au missile sol-sol, ce ne serait que justice. Heureux peuple.

Nous parlions du Chinois Xi Jinping. On le trompe. Il n’y a pas que des dirigeants, pour tromper, il y a des dirigeants qu’on trompe. Xi Jinping va partout, disant qu’on ne torture pas dans les commissari­ats de police de la République populaire de Chine. Peut-être y a-t-on torturé, et encore ce n’est pas sûr, mais les règles qu’il a instaurées, les contrôles qu’il fait e ectuer, certifient que la torture y est impossible, impensable : des caméras, installées dans les commissari­ats, et qui fonctionne­nt, montrent que les coupables y avouent dans la sérénité, dans la bonne humeur, même, car en Chine on sait ce que populaire veut dire. Des mauvaises langues, qui vont avoir a aire à la police si ce n’est déjà fait, prétendent qu’on torture dans une pièce à côté et que les aveux sont recueillis ensuite dans la pièce où se trouve la caméra. Ne viens pas me dire, lecteur, que tu le gobes ?

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