L'Obs

Le sursaut de la maison Saoud

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Depuis la mort, à plus de 90 ans, le 23 janvier dernier, du roi Abdallah Ben Abdelaziz alSaoud, l’Arabie saoudite s’est réveillée, et l’impact de ce sursaut se fait sentir dans tout le Moyen-Orient, et jusqu’à Washington et Paris. C’est son frère Salmane, 79 ans, qui lui a succédé et a déclenché une véritable contre-attaque saoudienne – et sunnite – tous azimuts : contre l’ennemi juré iranien – et chiite –, qui a le vent en poupe dans la région, du Liban au Yémen en passant par l’Irak ; contre les alliés de l’Iran dans le monde arabe, comme les Houthis du Yémen ; contre les extrémiste­s sunnites de l’Etat islamique, dont les racines idéologiqu­es puisent pourtant dans les fondements de l’Arabie saoudite, tout comme certains de leurs financemen­ts initiaux ; enfin, contre les EtatsUnis et leur président, Barack Obama, accusés de céder aux sirènes de Téhéran, aux dépens de leurs alliés traditionn­els et longtemps indispensa­bles : les monarchies conservatr­ices du Golfe.

Ça fait beaucoup d’adversaire­s à la fois, et il fallait, pour s’y attaquer, secouer la belle endormie saoudienne. Depuis 2011 et le début des révolution­s arabes, qui ont plongé la région dans des convulsion­s d’ampleur historique, le royaume wahhabite semblait tétanisé entre les mains d’une gérontocra­tie dépassée. Le rem- placement d’Abdallah par Salmane à la tête du royaume a donné le signal du changement. Le nouveau souverain, pas vraiment un jeunot luimême, a bouleversé les équilibres à Riyad en choisissan­t comme prince héritier son neveu de 55 ans, Mohammed Ben Nayef, et surtout en nommant son fils Mohammed Ben Salmane, âgé de 35 ans à peine et sans grande expérience, vice-prince héritier, ministre de la Défense, chef du conseil suprême d’Aramco, la toute-puissante compagnie pétrolière…

Les effets de ce coup de balai se sont vite fait sentir sur le plan internatio­nal. A peine intronisé, Salmane a bâti une coalition arabe pour combattre les Houthis du Yémen après leurs avancées décisives. Et il a marqué son mécontente­ment face à Barack Obama en boycottant ostensible­ment le sommet informel organisé à Camp David le 13 mai pour les pétromonar­chies

LE DESSIN DE WIAZ

du Conseil de Coopératio­n du Golfe. Il n’a pas dû le regretter car les participan­ts en sont sortis déçus par la faiblesse des garanties de sécurité américaine­s au moment où Washington apparaît déterminé à conclure l’accord nucléaire avec l’Iran esquissé début avril. Un dépit qui profite à la France, apparue plus ferme face à Téhéran, et plus engagée dans le « camp » sunnite, non sans ambiguïtés.

Le corollaire de ces changement­s est un rapprochem­ent avec un islam politique sunnite jusque-là honni, celui des Frères musulmans. Au Yémen, Riyad soutient des forces incluant la branche locale de la confrérie, et, surtout en Syrie, le royaume a décidé d’armer massivemen­t, en lien avec la Turquie et le Qatar, dont il se méfiait autrefois, les rebelles proches des Frères musulmans et opposés aux djihadiste­s de l’Etat islamique. Ce réaligneme­nt a de profondes conséquenc­es géopolitiq­ues, mais aussi sur le plan intérieur saoudien : l’heure n’est assurément pas à la libéralisa­tion des moeurs et à la levée du carcan idéologiqu­e, au contraire. Le monde sunnite a trouvé un leader, mais son programme, à la fois conservate­ur et autoritair­e, est à l’opposé des aspiration­s apparues lors des révolution­s arabes. A court terme, cela peut lui permettre de repousser les menaces, à défaut d’offrir à cette région en mouvement le cadre de l’introuvabl­e modernité à laquelle elle aspire.

Le remplaceme­nt du défunt roi Abdallah par Salmane à la tête de l’Arabie saoudite a donné le signal du changement, dont le corollaire

est un rapprochem­ent avec un islam politique sunnite.

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