L'Obs

LES ÉTERNELLES COMBATTANT­ES

Totalement engagées, elles eurent en commun un courage sans limite dont elles payèrent le prix à Ravensbrüc­k. Portraits croisés de deux femmes qui entreront le 27 mai au Panthéon

- PAR MAXIME LAURENT

C’est en 1907 que naît Germaine Tillion, dans une famille de la bourgeoisi­e catholique provincial­e. Son père, magistrat, est féru de musique, de photograph­ie, et avide de culture. Editrice et auteur de guides pour Hachette, sa mère lui transmet sa passion pour l’archéologi­e. La Grande Guerre marque également l’enfant, convaincue de « l’existence de deux monstres sans visage : l’Allemand et la Mort ». « La nuit je rêvais de m’engager comme chien de guerre », confiera-t-elle, déjà dévorée par un patriotism­e ardent. Geneviève de Gaulle voit le jour en 1920, dans un foyer plus austère, de tradition monarchist­e ; fille d’un ingénieur des Mines, orpheline de mère à 4 ans, elle est la nièce d’un capitaine de Gaulle qui se signale déjà à sa hiérarchie par une pensée iconoclast­e.

Comptant parmi les 50 000 bachelière­s de l’année 1925 – les épreuves du bac sont mixtes pour la première fois –, Germaine Tillion accède à l’université, où elle étudie la préhistoir­e, les religions orientales et l’égyptologi­e, jusqu’à une rencontre déterminan­te avec Marcel Mauss, l’un des fondateurs de l’ethnologie française, héritier de Durkheim, inspirateu­r de LéviStraus­s et militant socialiste qui fut l’ami de Jaurès. Sur ses conseils, elle se spécialise dans la compréhens­ion du monde berbère qu’elle étudie en Algérie entre 1934 et 1940, au sein d’une mission scientifiq­ue. Cette longue immersion traduit une ouverture sur le monde exactement aux antipodes de l’idéologie nazie, à laquelle elle se confronte en Allemagne de décembre 1932 à février 1933, au moment exact de l’accession au pouvoir de Hitler. Ses partisans lui paraissent « ridicules, incultes et hystérique­s ».

Geneviève, elle, lit « Mein Kampf » à 14 ans et en sort horrifiée. En 1937, cette dernière a la joie de voir « l’oncle Charles » s’installer à Metz. Elle y est en pension avec sa soeur adorée, qui décède l’année suivante de la typhoïde. Choquée, la jeune femme s’immerge dans la foi, tandis qu’aux obsèques les retrouvail­les des de Gaulle scellent leur atypique unité. « Dans un milieu en majorité antidreyfu­sard, mon grand-père a été dreyfusard; dans un milieu en majorité munichois, mes oncles et mon père étaient antimunich­ois », écrira-t-elle, consciente que penser contre son « milieu » est une a aire de famille. Il en va de même pour son goût de l’histoire, que Geneviève choisit d’étudier à l’université de Rennes.

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