L'Obs

FACE À DASSAULT

Le challenger communiste de Serge Dassault à Corbeil-Essonnes dénonce l’argent corrupteur et s’interroge sur la faillite de la gauche

- ODILE BENYAHIA-KOUIDER

Si ce n’était que l’histoire du pot de terre contre le pot de fer, le témoignage de Bruno Piriou, candidat communiste battu à quatre reprises par l’avionneur Serge Dassault et son homme lige Jean-Pierre Bechter à Corbeil-Essonnes, aurait un intérêt limité. Bien sûr, on se délecte de ces incroyable­s scènes de campagne électorale du papy milliardai­re qui voulait se faire un prénom en arrachant l’un des bastions rouges d’Ile-de-France à coups de petites et grosses enveloppes. Sans Bruno Piriou, ces petits arrangemen­ts avec le Code électoral n’auraient jamais été mis au jour. « Des rumeurs », se défendait l’industriel. Jusqu’à ce que le Conseil d’Etat évoque dans sa décision du 8 juin 2009 « un système d’achat de voix bien ancré ».

Au-delà du feuilleton politico-judiciaire, Bruno Piriou s’interroge sur l’état de la démocratie en France et sur le rôle du politique. L’élu dénonce l’argent corrupteur, mais il reconnaît aussi la faillite de la gauche dans ce qu’il appelle l’« impuissanc­e politique », un a aiblisseme­nt général des projets alternatif­s face au capital. Sinon, comment expliquer ce paradoxe cruel ? En 2012, comme pour chaque élection présidenti­elle, les électeurs de Corbeil-Essonnes ont majoritair­ement voté à gauche. Mais, aux municipale­s de 2014, ils ont de nouveau couronné l’équipe Dassault. Que le « Vieux » (surnom de Serge Dassault dans les quartiers) soit aux prises avec la justice n’y change rien. Au contraire ! Longtemps les gosses de banlieue ont eu peur de voter à droite, parce que pour eux c’étaient les « fachos ». Mais ils ne voulaient plus du « modèle figé » des « cocos », incapable de les sortir de la crise. Depuis vingt ans, Bruno Piriou a eu le temps de méditer la « cécité propre à la culture communiste ». Il fonde aujourd’hui tous ses espoirs sur une nouvelle génération de citoyens qui ne veut plus voir des bandes rivales se tirer dessus en plein jour, à proximité des écoles. Et rêve d’une prise de conscience collective pour rejeter un système de dons délétère et redonner à ses concitoyen­s le goût de l’émancipati­on. Un reste d’utopie ?

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