L'Obs

DEVIENS TOI MÊME LE MÉDIA

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Les gens croient que pour militer il faut entrer dans les partis ou dans les collectifs politiques, mais ce n’est pas vrai, les gens militent d’abord à travers les médias. Les gens engagés se reconnaiss­ent dans des journaux, des radios, des télés… beaucoup plus que dans des partis. La télé, c’était une chose étrangère à la gauche et, d’une certaine manière, nous sommes devenus une référence en matière de débat politique, parce que le format de débat télévisé informel était le domaine réservé de la droite dans notre pays. Ayant assumé les formes de débat que seul l’ennemi utilisait, nous nous sommes rendu compte qu’un scénario complèteme­nt nouveau s’o rait à nous. Les gens nous connaissai­ent, ils considérai­ent l’émission « la Tuerka » comme leur programme de référence. C’était un débat pluriel, nous étions enchantés que le Parti socialiste espagnol et le Parti populaire [de droite, NDLR] viennent sur notre antenne, enchantés de pouvoir confronter les propos qui n’ont normalemen­t pas d’espace dans la sphère publique et ceux qui y ont une présence massive, comme le discours selon lequel les coupes budgétaire­s sont nécessaire­s et que ce sont des décisions qui viennent de l’Europe… La confrontat­ion crée des opportunit­és énormes. Personne n’est contre la démocratie, personne n’est contre le fait que le gouverneme­nt doive représente­r le peuple, personne n’est contre le fait que la santé ou l’éducation soient des droits. Quand tu apportes tous ces éléments dans le débat politique, d’immenses possibilit­és s’ouvrent : toutes ces choses deviennent l’a aire de tous.

Soudain, une simple conversati­on-débat informelle prenait de l’ampleur, elle commençait à rivaliser avec les émissions politiques des grands plateaux de télévision. « La Tuerka » est donc née comme une critique de la gauche. On pourrait la définir, aussi bien que Podemos ensuite, en disant que nous avons fait tout ce que la gauche disait qu’il ne fallait pas faire. La gauche dit que la télévision abrutit ; que, dans un débat informel, on ne peut pas discuter; qu’on ne peut pas bien présenter les arguments; qu’il faut faire des exposés d’au moins une demi-heure; que ce format de discussion à la télévision est un cirque… Nous pensons tout le contraire.

Et puis, alors que tout ça fonctionna­it depuis presque un an, le 15-M [le mouvement des « indignés » espagnols, en référence au 15 mai 2011, date de l’occupation des places, NDLR] a fait son apparition : il nous a pris par surprise comme il a pris tout le monde par surprise. Je me rappelle que, quelques jours avant que le mouvement émerge, nous discutions à propos du « printemps arabe » et nous disions : « Comment est-il possible qu’ici il ne se passe rien, avec tout ce qui est en train de nous tomber dessus? » Le 15-M ne peut pas être considéré comme un acteur politique convention­nel. Il n’a pas à proprement parler de direction politique qui va dans un sens ou un autre et c’est précisémen­t ce qui caractéris­e un mouvement. Il a complèteme­nt changé le scénario. Il a instauré un

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