L'Obs

Depuis cinquante ans, vous êtes un opposant déterminé au nucléaire militaire et civil. En juin 2012, vous avez présenté au Premier ministre une pétition pour l’abandon du nucléaire ayant recueilli plus de 7 millions de signatures. Quatre ans après la cata

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Rien n’est résolu. Le danger menace toujours. Eau contaminée, fuites radioactiv­es, déchets radioactif­s, environnem­ent dévasté, milliers d’habitants encore déplacés… Fukushima est un accident énorme. L’avenir du Japon est très sombre. Il y a peu d’espoir si une mobilisati­on importante n’oblige pas le gouverneme­nt à agir. Un grand nombre de Japonais ont pris conscience qu’il faut prendre des mesures drastiques. Un rassemblem­ent a encore eu lieu à Tokyo il y a quelques semaines. Nous pensions que si nous étions 2 000, ce serait déjà bien. Mais plus de 30 000 personnes se sont réunies. Des intellectu­els, des familles de victimes, des agriculteu­rs… Des gens qui n’avaient sans doute jamais, avant cela, participé à des manifestat­ions, et qui essaient de créer quelque chose de nouveau et d’essaimer à travers tout le Japon. Je fais partie des organisate­urs. Les gens comme moi qui ont lancé ce mouvement sont déjà des personnes âgées. Mais c’est la première fois que je vois autant d’intellectu­els qui s’engagent, pour reprendre le mot de Sartre, le premier écrivain sur lequel j’ai beaucoup travaillé [le sujet de son mémoire à l’université était « L’imaginatio­n chez Sartre », NDLR]. J’ai maintenant 80 ans, je n’en ai plus pour très longtemps à vivre. Mais pour nous, Fukushima est un point de départ pour des mouvements citoyens qui doivent s’amplifier. Vous avez dit que Fukushima était le deuxième événement le plus tragique de votre vie après 1945. Comment une telle catastroph­e a-t-elle été possible dans un pays qui a connu le traumatism­e de Hiroshima et de Nagasaki, le seul pays au monde à avoir été brûlé par le feu atomique ? C’est exactement la question. Ce qui est très étrange, c’est que les intellectu­els qui parlent de Fukushima actuelleme­nt ne mettent pas en relation Hiroshima et Fukushima. J’ai vraiment du mal à comprendre comment ils peuvent ne pas le faire. Tous les intellectu­els, mais pas seulement eux, tout Japonais devrait être en train de réfléchir à cette tragédie en cours et la relier à Hiroshima. Quand Fukushima s’est produit, j’ai eu l’impression que s’abattaient sur nous, sous une forme concentrée, tous les problèmes que nous traînions depuis Hiroshima. Fukushima me semble radicaleme­nt lié à Hiroshima et doit être pensé avec lui. Enfant – j’avais 10 ans à la fin de la guerre –, j’ai pu prendre conscience de l’horreur de Hiroshima et de Nagasaki. C’est ce qui m’a conduit plus tard à aller voir ce qui se passait dans les hôpitaux de Hiroshima. Il y a eu des milliers de morts sous la bombe à Hiroshima et à Nagasaki, mais pendant des années les irradiés ont continué à sou rir

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