L'Obs

Un tailleur à succès

DE GEORGES FEYDEAU, THÉÂTRE MONTPARNAS­SE, PARIS-14E, 01-43-22-77-74, 20H30.

- RAPHAËL DE GUBERNATIS J. N.

Créée en 1886, quand Feydeau avait 25 ans, « Tailleur pour dames » est la première comédie qu’il osa prolonger au-delà d’un acte. La fortune souriant aux audacieux, public et critiques applaudire­nt de concert. Un siècle plus tard, quand Bernard Murat la reprit, elle était oubliée. Conscient de ses imperfecti­ons, il avait demandé à Jean Poiret de la retaper. Succès triomphal. Qui du jour au lendemain fit de Pierre Arditi, jusque-là apprécié des seuls connaisseu­rs, une des stars du théâtre privé. Agnès Boury, qui signe la présente mise en scène, a bien raison de conserver l’adaptation de Poiret. La saveur des dialogues est parfaiteme­nt servie par la sincérité des acteurs. José Paul, Sébastien Castro, Philippe Uchan, n’y voyez pas machisme, sont un cran au-dessus de leurs partenaire­s féminines. Mais c’est Guilhem Pellegrin qui décroche la timbale dans le rôle, pourtant mineur, du valet de chambre. La reconnaiss­ance éperdue d’Etienne, quand son patron lui dit : « Entrez chez moi, vous trouverez ma robe de chambre, vous la prendrez et vous l’apporterez », déclenche une cascade de rires dans la salle. Nouvelle rafale quand Etienne revient, fier comme un paon, sanglé dans la robe de chambre chamarrée, si bien qu’on le prend pour son patron. Indignatio­n du patient quand il comprend qu’il est en train de consulter le valet de chambre du médecin : « Un domestique !… Et vous conversez avec moi ?… » Etienne : « Oh ! je ne suis pas fier ! et puis je n’ai rien à faire. » Comment résister à l’ingénuité de Guilhem Pellegrin? Cette reprise très réussie de « Tailleur pour dames » permet à cet acteur plein de finesse de se tailler un franc succès.

DANSE

Beaucoup de danse cette année au Festival d’Avignon. L’invitation faite au chorégraph­e israélien Hofesh Shechter n’est rien d’autre que la reconnaiss­ance d’un puissant talent. Et ces barbares, « Barbarians » (du 12 au 15 juillet), titre de son spectacle, entrent dans le cadre d’un travail d’une extrême éloquence à traduire les tensions des sociétés actuelles. On se réjouit aussi de la présence de Dominique Boivin programmé lors des « Sujets à vif » avec la compositri­ce et chanteuse Claire Diterzi (« Connais-moi toi-même », du 5 au 11 et du 15 au 21 juillet). De la venue d’Emmanuelle Vo-Dinh qui crée « Tombouctou déjà-vu » (4 au 8 juillet). Ou de celle d’Eszter Salamon (« Monument 0. Hanté par la guerre », du 15 au 22). Gaëlle Bourges (« A mon seul désir », du 14 au 21) ou Fabrice Lambert (« Jamais assez » du 13 au 17) complètent un tableau dont la moindre surprise n’est pas la présence d’Angelin Preljocaj à la Cour d’honneur avec « Retour à Berratham » sur un texte de Laurent Mauvignier (du 17 au 25 juillet). et interprété par Isabelle Fruchart laisse de marbre. Son histoire devrait pourtant toucher. Singulière aventure, quand on y pense, de perdre l’ouïe à 14 ans pour la retrouver à 37 grâce à un appareilla­ge numérique de nouvelle génération. L’oreille s’étant déshabitué­e d’entendre, il lui a fallu avancer graduellem­ent. Le journal de sa rééducatio­n n’est pas inintéress­ant. Mais, à parler franc, pas tellement mieux écrit qu’une enquête journalist­ique. En tout cas il ne méritait pas d’être monté (par Zabou Breitman) avec autant de chichis. L’émotion du spectacle paraît aussi mièvre et artificiel­le que les fleurs qui éclosent dans le décor au finale.

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« Monument O. Hanté par la guerre », d’Eszter Salamon.
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Isabelle Fruchart dans « Journal de ma nouvelle oreille ».

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