L'Obs

Les coulisses de Paris 2024

Sur le terrain, ils s’aiment tous. Dans les vestiaires, les choses se compliquen­t. Les politiques, Hollande et Hidalgo en tête, ont juré de laisser les commandes aux sportifs. C’est pas gagné…

- SERGE RAFFY ET MAËL THIERRY

Ce moment, il l’attendait depuis si longtemps. Ce mardi 16 juin, à 8h30 du matin, à l’Elysée, dans le bureau du président de la République, Bernard Lapasset ne boude pas son plaisir. Il est soulagé, rassuré aussi. Il va enfin pouvoir travailler sereinemen­t à la candidatur­e de Paris pour les jeux Olympiques de 2024. Fini les couacs, les chausse-trappes et les coups de poignard dans le dos de ces derniers mois. Autour du bureau du chef de l’Etat, rentré à 3h30 du matin d’un voyage éclair en Algérie, un seul mot d’ordre : le rassemblem­ent derrière le désormais officiel Monsieur JO, président de l’IRB, l’Internatio­nal Rugby Board, l’équivalent de la Fifa pour le ballon ovale. Les présents n’ont plus de réticences

sur sa personne : Anne Hidalgo, la maire de Paris, Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Nathalie Iannetta, conseillèr­e aux sports du président, et François Hollande lui-même signent un pacte pour les deux ans à venir. Une pax olympica, indispensa­ble pour séduire les 102 membres du Comité internatio­nal olympique qui voteront à l’automne 2017. « Pour avoir la moindre chance de l’emporter,

déclare le président, il faut se présenter unis.

Il faut serrer les rangs. » Désormais, pour la France, il n’y aura qu’un patron pour diriger le comité de candidatur­e de Paris. Le boss, c’est lui, « Bernard », cet homme à l’accent rocailleux du Sud-Ouest, natif de Tarbes, ancien directeur des Douanes, juriste jovial et madré, réputé pour l’épaisseur inégalée de son carnet d’adresses en matière de sommités sportives. Les politiques? Ils sont priés de mettre leur ego dans leur poche et de pousser les sportifs en première ligne.

Comme souvent, malgré une nuit écourtée, le président est d’humeur badine. Il plaisante avec « Bernard » sur cet impératif, pour les politiques, de rester, sur ce dossier, « en deuxième rideau », comme au rugby. Hollande ajoute, taquin: « Ce ne

sera pas simple.» Bernard Lapasset, à 67 ans, n’en doute pas une seconde. Président de la Fédération française de Rugby de 1991 à 2008, puis propulsé patron du rugby mondial, il connaît les arcanes du sport internatio­nal sur le bout des doigts. Et l’art des politiques de courir derrière les médaillés olympiques. Ses états de service ? Il a permis à la France d’organiser la Coupe du Monde de Rugby, en 2007, et a imposé le rugby à VII comme discipline olympique. Pour réussir ce coup, durant deux ans, il a fait la tournée des popotes des membres du CIO, aux quatre coins de la planète. Résultat : il appelle la plupart de ses interlocut­eurs par leur prénom, parle couramment anglais, espagnol et même

« occitan », précise-t-il. Le VRP polyglotte est devenu un diplomate roué qui compte des amis sur tous les continents. François Hollande apprécie sa compagnie. Il l’a rencontré à de nombreuses reprises, dans son bureau de l’Elysée mais aussi sur les terrains de sport.

CLAQUE MONUMENTAL­E

En fait, depuis son arrivée à l’Elysée, en mai 2012, le chef de l’Etat est obsédé par les JO. L’amoureux du sport a mal encaissé, comme beaucoup, la défaite de Paris contre Londres, en 2005. Une claque monumental­e qu’il a cherché à analyser. Et le président, au plus bas dans les sondages, se souvient de l’effet Coupe du Monde, en 1998, sur la popularité de Jacques Chirac. Les JO ne seront attribués qu’en septembre 2017, après la prochaine présidenti­elle? Il n’a donc rien à perdre. « Il s’est rendu aux Jeux de Londres, en juillet 2012, juste après son élection, et a vu l’engouement qu’un tel événement pouvait susciter dans un pays,

raconte un conseiller de l’Elysée. A Londres, il a publiqueme­nt annoncé son attachemen­t aux Jeux et dit qu’il fallait clairement donner les clés de l’affaire aux sportifs, comme l’avait fait Tony Blair avec

Sebastian Coe. » Qui pourrait bien être le Sebastian Coe français? En décembre 2012, sur les conseils de Guy Drut, champion olympique du 110 mètres haies et membre du CIO, Bernard Lapasset est discrèteme­nt nommé par le gouverneme­nt chef d’une mission destinée à améliorer l’influence de la France au sein du CIO. Publiqueme­nt, pas question de critiquer l’échec de l’équipe de Bertrand

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