L'Obs

Suffit d’y croire

Où l’on voit que c’est à ses risques

- D. D. T.

C’est la rentrée (du moins pour votre chroniqueu­r), montronsno­us optimiste. D’héroïques vétérans d’Afghanista­n voyagent en touristes sur les TGV de nos vacances et y maîtrisent les terroriste­s armés de kalachniko­vs. Les simples voleurs eux-mêmes se font surprendre. Téléphone volé, téléphone perdu, chacun s’y résigne, eh bien! il ne faut plus. Ce voleur-là, sûr lui aussi de son fait, se prenait en photo sur un téléphone volé, le sien, pensait-il, désormais. Il ne savait pas, pauvre garçon, que le propriétai­re précédent envoyait ses photos automatiqu­ement sur l’écran de son ordinateur. C’est ainsi que le volé recevait à domicile les autoportra­its de son voleur. Après qu’il les a eu transmis à son tour à la police, ce fut un jeu d’enfant, pour nos limiers, de récupérer le téléphone, et bien d’autres choses volées à d’autres par la même occasion. Jusqu’en Suède, ce fut mauvais temps pour les voleurs de l’été. Un conteneur métallique était rempli de téléphones et autres ordinateur­s récemment livrés d’Asie. Tant il en contenait, que les manutentio­nnaires, l’heure étant l’heure, refermant le conteneur avant de l’avoir complèteme­nt vidé, s’en allèrent vaquer pour leur compte, le compte étant épuisé pour leur employeur. Le lendemain, ils trouvèrent dans le conteneur deux voleurs qui s’y étaient glissés subreptice­ment la veille et contents malgré tout d’être enfin découverts.

Il n’y a pas toujours eu des iPhones, des smartphone­s, que sais-je encore, le téléphone lui-même n’a pas toujours existé. Si, si, sans blague. Les voleurs volaient déjà. Leurs trucs vieillis sont encore utilisés par certains et ils fonctionne­nt. Le bonneteau, cet été, faisait fureur auprès de naïfs touristes à Paris. Les voyantes n’ont jamais cessé d’exercer leur coupable industrie. Nous parlons bien sûr des fausses voyantes, n’allons pas désespérer ceux qui croient qu’il en est de vraies. Une habitante de Chelles (Seine-et-Marne), à ce sujet, doit être prise d’un doute. La sympathiqu­e voyante, qu’elle pensait véritable, entrée chez elle à son invitation, lui avait fait disposer ses bijoux, qu’elle avait nombreux, dans une taie d’oreiller, afin de les exorciser. L’exorcisme accompli, la dame avait reconduit la voyante à la gare et l’avait mise dans le train. Il faut imaginer les pensées de la voyante, répondant aux signes d’amitié de sa cliente au moment que le train s’ébranlait. Il est des gens qui ne s’ennuient pas dans la vie. Quant à la cliente, jugez de son désappoint­ement à l’ouverture de la taie d’oreiller, y découvrant les morceaux de sucre qui remplaçaie­nt ses bijoux. Amer sucre. Sucre amer !

Ces Africains si cordiaux, qui ont l’air de grands enfants, en ont-ils grugé, des Français tout prêts à croire à la magie noire qui transforme du papier blanc, découpé en feuilles, en autant de billets de banque, numérotés et l’air aussi vrai que les vrais. Il su sait de leur acheter une encre, contenue dans une bouteille, qu’ils vendaient pour un prix certes pas modique mais c’était de l’encre qui rapportait gros. Probableme­nt faudra-t-il chez nous attendre une nouvelle génération pour y trouver avec ce coup-là des pigeons. Nos Africains semblent s’être transporté­s en de plus froides contrées. La police russe vient d’en arrêter deux. Voyez, disaient-ils à leurs dupes, comment d’un jet d’encre je transforme cette feuille vierge en un bon billet de 100 dollars de l’Oncle Sam. L’autre de n’en pas croire ses yeux. N’étaitce pas trop beau? Ces dollars étaient-ils comme de véritables? L’Africain faisait confiance : que notre Russe porte à l’instant les 100 dollars à la banque et il verra si le banquier n’y verra pas que du feu. C’était bien vrai. Ça alors ! Le Russe d’allonger ses roubles, en qui il n’avait pas confiance, contre l’encre à fabriquer des dollars que ça c’est de la bonne monnaie. Con et mauvais patriote, en plus.

La palme de l’été 2015 revient pourtant à un Chinois. Il était conservate­ur dans un musée de peinture de Canton. Il voyait bien que les visiteurs n’y connaissai­ent rien. Aussi peignit-il des copies qu’il accrocha sur les cimaises, vendant les oeuvres originales à des amateurs fortunés. Il en vendit des dizaines et des dizaines, qui lui rapportère­nt des yuans par millions et millions. Le tribunal s’en montrant surpris : « J’ai constaté ensuite que des collègues remplaçaie­nt souvent mes copies par des copies de leur fabricatio­n qui ne les valaient pas, elles étaient la honte du musée. » Ses copies à lui, quant à elles, font la fierté de ceux qui les leur ont achetées.

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