L'Obs

Assouline, échec et mat

Un neurologue implante une puce électroniq­ue dans le cerveau d’un joueur d’échecs. Suspense et angoisse garantis GOLEM, PAR PIERRE ASSOULINE, GALLIMARD, 272 P., 19 EUROS.

- JACQUES NERSON

Si vous êtes parisien et qu’il vous arrive d’assister à des manifestat­ions du type cocktails littéraire­s, vernissage­s, premières à la Comédie-Française, vous avez à coup sûr croisé Pierre Assouline. Le regard bleu que jette sur vous ce petit homme chauve, toujours tiré à quatre épingles et d’une extrême courtoisie, est tellement perçant qu’on a l’impression d’être exposé aux rayons X. Il pourrait jouer le rôle du juge d’instructio­n dans « Crime et Châtiment », de Dostoïevsk­i. On a beau ne pas avoir tué son frère ou même être fils unique, face à lui on se sent fautif comme Caïn devant l’oeil dardé de sa conscience.

Pourquoi Pierre Assouline fréquente-t-il ces mauvais lieux ? Par mondanité ? Non, par esprit d’observatio­n. C’est là, entre autres, qu’il pêche ses personnage­s de roman. Par exemple, ce Gustave Meyer que sa mémoire infaillibl­e rend imbattable aux échecs et qui s’aperçoit avec horreur que son ami Robert Klapman, neurologue éminent, lui a implanté à son insu une puce électroniq­ue dans le cerveau. Le voici donc augmenté. Devenu cyborg. Un golem, comme ce robot d’argile qui, selon la légende pragoise, s’animait quand le rabbin qui l’avait modelé lui posait sur le front le mot « vérité ». Accusé de crimes dont il est innocent, en particulie­r d’avoir tué sa femme, Meyer prend la fuite. De Londres, il gagne Cracovie, Vienne, Budapest, Lodz, Wroclaw, Kaunas, Bucarest, Lasi, Kiev, toutes ces villes de la vieille Mitteleuro­pa, « pleines de juifs qui ne sont plus là ». La nostalgie de la culture yiddish partie en fumée dans les crématoire­s inspire une bonne partie des romans et essais de Pierre Assouline. De là aussi son attraction-répulsion pour les intellectu­els qui ont trempé dans la collaborat­ion. Mais on peut relever dans son roman une influence plus souriante. Celle d’Hergé. Ce n’est pas son biographe qui le désavouera. Eh oui, on peut être de l’Académie Goncourt et imprégné des aventures de Tintin et Milou. « Golem » est un thriller angoissant mais à la manière de « l’A aire Tournesol ». On a jusqu’au bout peur pour le héros, mais on sait au fond qu’il réussira à s’en tirer. Ce qui rend le suspense tout à fait délicieux.

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