L'Obs

Le triomphe des geeks

Pas de problème d’emploi pour les petits génies du numérique ! On s’arrache les pros du code et les as de la data

- AURÉLIE DJAVADI AÏ-ESTELLE BARREYRE

Chaque année connaît son nouveau petit prodige du web. Dernier en date, Larry Gadea, un Canadien repéré par Google dès le lycée pour son astucieux index de fichiers, embauché par Twitter à 22 ans et à la tête de sa propre boîte un an plus tard… Certes, tous les débuts de carrière n’y sont pas si spectacula­ires, mais internet et ses déclinaiso­ns mobiles n’en finissent pas de révolution­ner l’économie, des transports à la santé en passant par le tourisme ou le commerce. A la clé, des milliers d’embauches, dans des univers très di érents – des entreprise­s de services numériques aux banques ou aux assurances. Dans son palmarès des plus gros recruteurs, Frenchweb, un magazine spécialisé en ligne, constate une « montée

en puissance des groupes traditionn­els » , du type L’Oréal, Axa, ou le Crédit agricole, à côté de jeunes pousses 100% web comme le site de covoiturag­e BlaBlaCar ou la plateforme d’annonces Leboncoin.fr.

Pour créer de nouveaux services toujours plus rapides et plus e caces, ces sociétés s’arrachent les développeu­rs et autres experts de la programmat­ion informatiq­ue. Dès sa première année à Epitech, une école spécialisé­e sur le créneau, Pierre Rannou a vite compris qu’il n’aurait que l’embarras du choix. « Même de petits commerçant­s ont besoin d’avoir leur propre site et de le mettre à jour. N’ayant pas toujours les moyens de solliciter de gros prestatair­es, ils confient ces missions en free-lance à des étudiants. » Durant les cinq années qu’a duré son cursus, il a donc travaillé régulièrem­ent. Puis, dans la foulée d’un projet initié à l’école, ce passionné de musique a lancé, avec

deux camarades, un éditeur de partitions collaborat­ives, Flat.io. « En un an, on a déjà attiré 140 000 clients et créé quatre

emplois. » Ceux qui préfèrent le salariat ont d’aussi beaux horizons, si l’on en croit les rémunérati­ons compilées par les DRH du digital, un club dont les membres travaillen­t chez Bouygues, Yahoo, Meetic ou encore Voyages-sncf.com. Un développeu­r de 29 ans spécialisé dans les technologi­es mobiles peut, après deux ans d’expérience, dépasser les 44 000 euros brut annuels.

Les entreprise­s recherchen­t aussi des community managers pour animer les sites et fidéliser les clients ou des data analysts capables d’agréger les multiples

informatio­ns que les internaute­s sèment sur les sites via les cookies pour alimenter leur stratégie marketing. Formés en fac de gestion, en école de commerce ou dans les nouvelles écoles d’Internet, ces profils a chent une solide culture web, indispensa­ble pour comprendre les tenants et les aboutissan­ts d’un projet. Mais, de plus en plus, il leur faut miser sur des savoir-faire pointus pour séduire les recruteurs.

« A mesure que les entreprise­s éto ent leurs services, les jobs se spécialise­nt. Certains de nos anciens travaillen­t par exemple pour des agences se consacrant uniquement au marketing mobile » , note Thierry Pénard, directeur du master Ecotic à Rennes-I. Pour rester dans la course, la formation évolue sans cesse, intégrant de nouveaux enseigneme­nts ou projets. Un réflexe que les jeunes diplômés doivent cultiver eux aussi au quotidien. « Si l’on reste sur ses acquis sans faire de veille, le diplôme se dévalue vite car les technologi­es changent au fil des mois » , observe Edouard Poirson, jeune créateur d’une agence web.

L’entreprene­uriat est une autre voie vivement encouragée par les écoles spécialisé­es. A l’Ecole européenne des Métiers de l’Internet (1), Tom Laurent, 25 ans, a ainsi profité d’un partenaria­t avec un incubateur parisien pour lancer sa boutique d’objets connectés. « Peu sco

laire » , il a abandonné deux BTS, l’un en immobilier, l’autre en commerce, avant de s’épanouir dans ce bachelor métiers du web. « Tous les profs travaillen­t en entreprise et savent quelles sont les compétence­s indispensa­bles sur le marché. On a quelques devoirs sur table, mais le cursus est plutôt pratique. » Surtout, lui qui avait toujours été incollable sur les derniers produits high-tech a réussi à transforme­r son

hobby en métier. « L’école nous propose de poursuivre en master mais je sentais qu’il y avait de plus en plus de curiosité autour de la domotique, du matériel de sport ou des loisirs connectés. C’était le moment de se lancer. » Sur le web, l’intuition et le timing comptent aussi. (1) Xavier Niel, actionnair­e à titre personnel de « l’Obs », est cofondateu­r de l’EEMI.

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