“Le jeu trouble du Rwanda”
Fabienne Hara, ex-vice-présidente et directrice du programme Afrique d’International Crisis Group. Verbatim
ll faut faire très attention avec l’utilisation du mot « génocide » : en voulant alerter, on peut aussi réveiller les peurs, et, sans le vouloir, encourager le recours à la violence. Mais il est vrai que l’argument ethnique est aujourd’hui instrumentalisé par les différentes parties pour neutraliser et décrédibiliser leurs opposants, et mobiliser les soutiens. L’attitude de ces responsables politiques burundais est irresponsable et devrait être sanctionnée. Ceux qui pensent que le Burundi est une réplique parfaite du Rwanda se trompent : le problème de
fond est la dérive autoritaire et répressive du régime de Nkurunziza, et la concentration du pouvoir dans les mains d’un petit groupe. Alors que les accords d’Arusha, en 2000, prévoyaient un partage des postes entre la majorité hutue
et la minorité tutsie, notamment dans l’armée et les institutions de l’Etat. Le rapport de forces actuel, avec la fragmentation de l’armée et la naissance d’un nouveau mouvement rebelle, laisse plutôt entrevoir un scénario de guerre civile, avec une forte dimension régionale, le rôle du Rwanda dans le soutien à la rébellion burundaise antiNkurunziza apparaissant de plus en plus vraisemblable. Trouver une sortie de crise est urgent, car le gouvernement
pourrait s’enferrer dans une logique paranoïaque et sanglante. Des pressions doivent s’exercer sur toutes les parties pour stopper cet engrenage, et ne pas commettre
d’actes qui déclencheraient une crise irréversible.