Quand les hauts magistrats voient rouge
Ils n’ont ni la faconde ni le talent de communication de leur ancienne garde des Sceaux, mais les plus hauts juges de France lancent à leur tour un cri d’alarme. Réunis le 1er février dans l’une des plus belles salles de la Cour de Cassation, ils ont signé une délibération inhabituelle. Dans ce texte, que « l’Obs » publie sur son site internet, le premier président de la juridiction, Bertrand Louvel, et les premiers présidents des cours d’appel venus de toute la France s’indignent de l’état d’urgence et des futures lois antiterroristes. Pour eux, « en ce début du xxie siècle, la place faite à l’autorité judiciaire au sein des institutions de la République suscite de légitimes et graves interrogations ». Principal souci à leurs yeux : être privés
de leur « rôle de garant de l’ensemble des libertés individuelles, au-delà de la seule protection contre la
détention arbitraire ». L’un des articles de la future loi précise que des individus suspects de terrorisme pourront faire l’objet d’une retenue sous le seul contrôle du préfet. Par ailleurs, les hauts magistrats estiment que la pénurie persistante de moyens matériels et humains ne permet plus aux juges de remplir leur tâche, et ils réclament une augmentation du budget. Ce sombre état des lieux, initialement destiné à François Hollande et Christiane Taubira, a été expédié à Jean-Jacques Urvoas qui vient de s’installer place Vendôme. Les gardes des Sceaux passent. Les lamentations des magistrats continuent. Mais c’est la première fois qu’elles viennent d’aussi haut.