Louise Attaque toujours
ANOMALIE, PAR LOUISE ATTAQUE (BARCLAY)
Après deux décennies de succès, de pauses, de scissions, de mises au point, de retrouvailles incertaines, Louise Attaque se re-re-reforme. Enfin presque, car le batteur historique du groupe, Alexandre Margra , n’est plus de la fête – il n’a pas été remplacé. Onze années séparent « A plus tard crocodile », dernier album de Louise, et « Anomalie », le quatrième de la formation emmenée par Gaëtan Roussel. Les trois millions de drogués au rock littéraire qui se ruèrent sur leur premier disque (1997) y retrouveront la synergie, l’énergie juvénile qui fit la magie des débuts. Musicalement, les morceaux arrangés par Tristan Salvati sont d’une vitalité folle, la preuve qu’il y eut une joie des retrouvailles dans les studios où ils ont été enregistrés (en Angleterre, en Allemagne, en France). Joie pour la guitare de Gaëtan Roussel, la basse de Robin Feix et le violon divin d’Arnaud Samuel de refaire de la musique ensemble, tout simplement. Ajouter quelques boucles électro et l’envie de renouer avec les soirées parisiennes d’antan nous prend.
Cependant, malgré les apparences, « Anomalie » est le disque le plus sombre du groupe, éclairé ici et là par la flamme de la bougie du souvenir, des pertes, d’un inconsolable chagrin. Les événements de 2015 le traversent, l’endeuillent. La voix de Gaëtan Roussel, débarrassée de ses accents bréliens, ne nous invite plus au vent. Elle annonce le pire : nous venons de perdre notre insouciance, si précieuse, si fragile. De là « l’Insouciance », une sublime chanson couleur de deuil qui porte l’ensemble et le rend paradoxalement immortel. « A l’antenne aujourd’hui, j’entends que l’on meurt, que l’on vit, et l’insouciance qui nous fuit, l’insouciance qui n’a pas de prix ». C’est dit, c’est violent. Pour sortir de cette torpeur, dans « Chaque jour reste le nôtre », l’auteur suggère, avec son talent d’aborder les grandes idées en quelques mots, de tenter la hauteur, la grandeur. Et de se contenter d’aimer l’instant présent. Minute après minute, il faudra s’en contenter.