L'Obs

Une commission de contrôle impuissant­e

- V. L.

François Logerot (photo), le président de la Commission nationale des Comptes de Campagne (CNCCFP) chargée de contrôler les candidats, ne croit plus rien ni personne. Il doit d’abord digérer, accepter le fait que la commission puisse être passée à côté de la plus grosse fraude électorale présumée jamais commise en France. Mais avait-elle les moyens d’éviter ce naufrage ? La commission ne dispose par exemple d’aucun pouvoir d’enquête. Elle se base uniquement sur les déclaratio­ns des candidats. Pour vérifier la régularité des factures de la campagne de Nicolas Sarkozy (43 cartons au total), seuls trois rapporteur­s ont été missionnés. Le témoignage de l’un d’eux, face aux juges, donne le tournis. Comment s’est-il assuré qu’aucune facture ne manquait ? Il ne le pouvait pas, sauf à recevoir d’éventuelle­s dénonciati­ons des partis adverses. Les rapporteur­s ne peuvent pas non plus se rendre aux meetings. Et la commission semble manquer de moyens techniques. « S’agissant des informatio­ns sur internet, c’est nous, les rapporteur­s, qui allons les chercher, précise le juriste. Ce qui nous prend beaucoup de temps, avec un matériel informatiq­ue insuffisan­t et lent, un seul poste sur les trois étant relié à internet pour des raisons de sécurité. » Et pour achever de décrire ce système de contrôle insuffisan­t, François Logerot rappelle que la commission n’a pas accès en détail aux comptes des partis politiques. « Les années électorale­s, nous voudrions avoir accès aux comptes des partis et des candidats en temps réel, avec l’appui des commissair­es aux comptes », avait-il confié à « l’Obs » cet automne. Devant les juges, au mois de novembre, il s’est montré plus direct. Interrogé sur les factures « oubliées » de la campagne de Nicolas Sarkozy, et notamment celles de Villepinte, le président a estimé que « la dissimulat­ion des coûts apparaît manifeste et massive ». Quant au degré de connaissan­ce de Nicolas Sarkozy de la fraude présumée, Logerot a pesé ses mots : « Le décideur final est quand même bien le candidat lui-même. […] C’est bien lui qui décide s’il ira à telle date à tel endroit. Il ne peut pas ne pas réaliser l’ampleur des moyens mis en oeuvre. » Après la révélation du scandale Bygmalion, aucun responsabl­e politique, ni de droite ni de gauche, n’a réclamé que des pouvoirs supplément­aires soient attribués à la commission chargée pourtant de contrôler chaque année l’argent public distribué aux partis politiques. L’enveloppe s’élevait l’année dernière à 63 millions d’euros, toutes sensibilit­és confondues. A croire qu’une instance de contrôle plus forte fait peur à tout le monde.

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