L'Obs

PAR JÉRÔME GARCIN

-

Si Winston Churchill avait vu « The Revenant », jamais il n’aurait soutenu que « le cheval est dangereux devant, dangereux derrière et inconforta­ble au milieu ». A la presque fin du film d’Alejandro González Iñárritu, on découvre en e et les vertus calorifiqu­es et relaxantes de cet animal, pourvu qu’il soit mort et que l’hiver soit rigoureux. En incisant son ventre et en le vidant de ses intestins, on peut s’y coucher et dormir, bien à l’abri, d’un sommeil de plomb. C’est ce que fait Leonardo DiCaprio, après s’être préalablem­ent déshabillé sous la neige. D’ailleurs, il sait tout faire, notre trappeur. Réchapper d’une pluie de flèches indiennes et de l’attaque d’un grizzly lourd comme King Kong (la scène est phénoménal­e). S’extraire de la tombe où on l’a enterré. Sortir indemne d’une plongée vertigineu­se dans une cascade furieuse. Manger crus un foie de bison et un poisson vivant. Ou cautériser une blessure au cou avec un charbon ardent. Ames sensibles, s’abstenir. Au début, c’est « Koh Lanta », à la fin, c’est « la Guerre du feu ». Je rigole, mais j’ai tort. Car malgré son inutile longueur, ses flash-back vaporeux et ses excès charcutier­s, « The Revenant » est une grande oeuvre pariétale et bestiale où, en prime, sou e l’esprit. Iñárritu a les accents cosmogoniq­ues du meilleur Malick et DiCaprio, la carrure d’un tragédien shakespear­ien aphone. Ce western christique, filmé par un démiurge, n’aura pas volé sa probable consécrati­on lors de la grand-messe des Oscars. A moins que « Seul sur Mars », daube dispendieu­se, ne l’emporte sur cet impression­nant « Seul sur Terre ». J. G.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France