L'Obs

LES LUNDIS DE DELFEIL DE TON

Où l’on voit le beau de sa beauté

- D.D.T.

Trois hommes jeunes, mains liées, dans une voiture fermée, à l’arrêt. A quelques mètres de là, quelque part en Syrie, ceux qui ont piégé la voiture. La caméra explique tout bien. C’est un enfant de 4 ans, tout mignon dans ses petits vêtements de camouflage militaire, avec son bandeau noir orné de l’emblème de l’auto-proclamé Etat islamique, qui va appuyer, ça y est, il appuie sur le bouton de la télécomman­de et c’est lui qui fait exploser la voiture dans laquelle les trois sont maintenant en train de griller. « Allah akbar », criet-il. C’est un petit Anglais et c’est en Syrie que sa mère, fraîchemen­t convertie et tout de suite le fanatisme, lui a donné naissance. La vidéo de propagande est destinée à terroriser. A terroriser et à dénoncer le terrorisme que constituen­t aux yeux des propagandi­stes les bombardeme­nts que leur infligent les Britanniqu­es. Nous n’avons pas de drones mais nous aussi, nous appuyons sur des boutons, lance la vidéo au gouverneme­nt de Sa Majesté, et quant à vos espions, voilà ce que chez nous, même un mouflet en fait.

Délicieuse époque. On ne l’oubliera pas, l’année 2016. En 2014, – mais qu’on se rappelle, 2015 n’a pas été mal non plus –, un père australien postait sur Twitter une photo de son garçon de 7 ans brandissan­t la tête d’un soldat syrien fraîchemen­t décapité. Le môme a 9 ans, maintenant, papa a été tué par un drone des infidèles et maman est morte aussi, mais de maladie, elle avait rejoint son mari en Syrie avec leurs cinq enfants, un enfant a besoin d’une mère et d’un père. Bref, ils sont à ce jour orphelins. Ils ont de 5 à 14 ans. L’Etat australien s’interroge : doit-il essayer de les rapatrier ? Ils ont été mal élevés, n’est-ce pas, on leur a enfourné de mauvaises idées, ne serait-il pas moins risqué de les abandonner à leur sort ?

Ah ! il y a des cas de conscience. Prenez M. Trump, peut-être le futur candidat des Républicai­ns pour être président des EtatsUnis d’Amérique. Fermerez-vous Guantanamo, lui demande-t-on. Demander ça à un entreprene­ur dans l’immobilier, qui des guantanamo­s en construira­it plutôt cinquante, c’est le lancer dans une apologie de la torture et la dénonciati­on des femmelette­s qui condamnent le waterboard­ing, vous savez, cette asphyxie que du temps de la Gestapo on appelait supplice de la baignoire : « J’en instaurera­i un paquet de pires », proclame M. Trump, ce qui ne facilite pas la campagne de M. Cruz, son principal rival à la candidatur­e, à qui il enlève les mots de la bouche. « Moi, dit alors M. Cruz, en Irak et en Syrie, j’enverrai des tapis de bombes et tant pis si des innocents doivent y laisser la vie. » M. Trump accuse le coup : il approuve les tapis de bombes de M. Cruz et si les innocents tués étaient si innocents, ils n’auraient eu qu’à être réfugiés. Réfugiés en Amérique ? « Ah ! non », s’écrient-ils ensemble, les réfugiés ni l’un ni l’autre n’en veut. « Ouais, hourrah », chantent leurs futurs électeurs.

On aimerait être électeur américain. On voterait pour le sénateur démocrate Bernie Sanders. En 2003, il s’était prononcé à la Chambre des Représenta­nts contre la déclaratio­n de guerre de Doublevé Bush à Saddam Hussein. Ils n’étaient pas nombreux, en Amérique, à pressentir les catastroph­es qui allaient s’ensuivre mais revenons au gouverneme­nt australien. Doit-il s’e orcer, oui ou non, de faire rapatrier les cinq orphelins du couple djihadiste ? L’avocat de la famille l’en presse : des parents attentionn­és sont prêts à les prendre en charge, à leur donner une éducation de bons citoyens. Même l’aînée, qui est grande, certes, mais à 14 ans le sort n’est pas encore joué, elle peut comprendre l’erreur de ses parents. Elle prend soin de ses cadets, en outre elle élève son propre enfant, âgé de deux mois, qui est sans père. Une des grandmères est en contact avec elle. Sa petite-fille souhaite rentrer en Australie. Le gouverneme­nt se gratte le crâne.

Gratte, gratte. En plus, il semble aujourd’hui que le combattant islamiste, à l’origine de cette situation familiale à problèmes, ne serait pas mort pour de bon. Le drone se serait trompé de cible mais ces choses arrivent à tout le monde, qui peut en vouloir à un drone ? Les gens qu’ils bombardent ? Qu’ils trouvent un moyen encore plus propre de les tuer ! La sagesse à notre sens commandera­it, si nous pouvons nous permettre de le suggérer aux autorités australien­nes, depuis Paris et sans mandat de personne, d’au moins attendre l’élection américaine. Suppositio­n qu’un partisan des tapis de bombes en soit l’heureux vainqueur. Le papa, s’il est vraiment encore vivant, en tout cas les enfants, ils te disparaîtr­ont làdessous et voilà résolue la délicate question. Diplomatie, quand tu nous tiens.

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