L'Obs

L’OPINION

De Matthieu Croissande­au

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

C’est un fait suffisamme­nt rare dans l’histoire de la Ve République pour être souligné: à quatorze mois d’une échéance présidenti­elle, bien malin qui peut dire à quoi ressembler­a le casting sur lequel les Français seront appelés à se prononcer. Extrêmes mis à part, aucune candidatur­e ne s’est encore véritablem­ent imposée. Et, dans un camp comme dans l’autre, il faudra attendre plusieurs mois pour y voir plus clair.

A gauche, la tradition républicai­ne qui veut qu’un président en exercice défende son bilan après un premier mandat joue en faveur de François Hollande sur le papier. Mais son impopulari­té récurrente – jusque dans sa propre famille politique – et ses maigres résultats en matière de lutte contre le chômage laissent toujours planer le doute sur une solution de substituti­on. Dans la majorité, personne ne le dit encore très fort, mais tout le monde y pense : que se passera-t-il à la fin de l’année si le chef de l’Etat n’est pas parvenu à inverser la ten- dance et que sa candidatur­e promet un échec assuré? Le principal risque que court la gauche est de se poser la question trop tard. Car on ne s’improvise pas candidat à la présidenti­elle à trois mois d’un scrutin. Si personne n’émerge d’ici là, le seul recours possible sera évidemment Manuel Valls. Mais le locataire de Matignon partira lesté d’un handicap majeur : celui d’être comptable d’une politique dont il aura bien du mal à se démarquer…

A droite, la situation n’est guère plus avancée. Comme dans ces vieux régimes autoritair­es qui découvrent soudaineme­nt les joies de la démocratie, Les Républicai­ns voient proliférer les candidatur­es. Cela tient d’abord à la nature de l’exercice: la primaire n’est pas seulement une procédure de désignatio­n, elle est aussi une occasion de prendre date pour peser sur la suite. Et, de ce point de vue, l’exemple de Manuel Valls, passé en trois ans du rang de concurrent marginal de la primaire socialiste au poste de Premier ministre, a donné des idées. Mais la multiplica­tion des ambitions traduit un autre phénomène plus problémati­que : n’en déplaise aux uns et aux autres, il n’y a pas à droite de candidat naturel. Cela vaut pour Nicolas Sarkozy, dont on voit jour après jour fondre l’autorité et la légitimité. Comme pour le favori des sondages, Alain Juppé, dont on aurait pu penser qu’il fédérerait autour de lui tous les opposants au retour de l’ancien président de la République.

Entre une gauche coincée par le jeu des institutio­ns de la Ve République et une droite divisée par sa campagne interne, il existe donc encore un espace pour une candidatur­e surprise, capable de bousculer la donne dans son propre camp ou de transcende­r les clivages sur l’échiquier politique. Six mois pour voir émerger un monsieur ou une madame X. Ce n’est pas le scénario le plus probable, certes. Mais on ne peut pas non plus complèteme­nt l’écarter.

Que se passera-t-il à la fin de l’année si le chef de l’Etat n’est pas parvenu à inverser la tendance et que sa candidatur­e promet un échec assuré?

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