L'Obs

LA MODE POUR TOUS

Le 31e Festival de Mode et de Photograph­ie varois restera dans les annales. Voyons pourquoi

- par Sophie Fontanel

uatre prix de mode sont décernés chaque année, en avril, à Hyères. Un prix du public (Amanda Svart, Suède), un grand prix (Wataru Tominaga, Japon) et un prix spécial du jury ainsi qu’un prix Chloé, tous les deux décernés, cette fois-ci, à un duo, Hanne Jurmu et Anton Vartiainen (Finlande). C’est à ce duo que nous allons consacrer cette chronique. Et nous devrions dire : à ce duo et à ses mannequins.

En e et, non contents de présenter une collection ahurissant­e de poésie (avec des motifs composés de vraies fleurs, notamment), Hanne et Anton ont aussi proposé de débouler à la compétitio­n avec leurs propres models, lesquels avaient plusieurs particular­ités. 1) C’étaient des géants, fichus comme des dieux, dans un milieu où la crevette règne. 2) Ce n’étaient pas vraiment des models. Juste des types sublimes, déjà très originalem­ent habillés dans la vie courante. L’un d’eux, Antti, portait le pantalon à carreaux de sa grand-mère, évidemment un peu court pour lui. 3) Ce n’étaient pas des gosses de 17 ans, mais des hommes de 25 à 30 ans. 4) Ces garçons avaient des beautés diverses et variées, comme on dit, toutes tendant à prouver que, bien au-dessus du garçon mignon, il y a le garçon renversant, magistral. Et 5) Ces garçons ont défilé en tanguant lentement, presque en zigzaguant, et en parlant.

Le mannequin, en général, n’aime pas parler. Et on le lui demande rarement, il faut reconnaîtr­e !

Ces quelques éléments ont su à donner à ces journées passées à Hyères une sorte de piqûre galvanisan­te. En e et, l’originalit­é de ces models pulvérisai­t cette idée courue qu’ils sont des portemante­aux. Ceux-là, c’étaient plutôt des porteflamb­eaux. Ils « emportaien­t » littéralem­ent les vêtements, d’ailleurs dessinés par leurs amis, et les courtes danses presque tribales qu’ils faisaient spontanéme­nt tous ensemble avant les shows prouvaient qu’une cohérence était formée là, un bonheur.

Aussi bons qu’aient été les autres sélectionn­és (et la sélection était remarquabl­e), c’était di cile de lutter contre le sex-appeal bucolique et joyeux apporté par ces créatures. Leur incroyable entregent, leur sens de l’humour, leur manière de faire ça « à la légère », leur façon veloutée de reluquer les filles et les garçons, tous ces éléments ne faisaient que stigmatise­r la tristesse actuelle du métier de mannequin, les filles trop minces, trop jeunes, trop absentes pourrait-on dire. Et trop obéissante­s et trop lassées.

Puisque ce métier de la mode est en train de changer si fort ces derniers temps, puisque c’est le temps de tant de remises en question, La Mode pour tous rêverait que ces models d’Hyères servent de leçon : plus le mannequin existe, plus il incarne l’habit, plus ses yeux contiennen­t sa jouissance d’être ainsi vêtu, moins la mode est vaine. Et la mode pas vaine est la seule qui se vende, amis marchands. Le reste, c’est du pipi du canari. Ne l’oubliez pas. Vous me le recopierez 100 fois.

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